DVD 24/03/2020

“Skin”, en versions courte et longue à la fois

Une édition DVD réunit les deux films du même titre, en deux formats, de Guy Nattiv : le court oscarisé et le long, inédit en salles en France. Avec des similitudes et des différences…

Au début de 2019, Skin recevait l'Oscar du court métrage de fiction à Hollywood alors que son réalisateur, l'Israélien Guy Nattiv, était déjà passé au prolongement direct de l'aventure via un long métrage du même titre qui, s'il est sorti à l'été aux États-Unis et dans d'autres pays après une belle carrière en festivals (le “Panorama” à Berlin, entre autres), a fait en France partie de ces nombreux “direct to video” , ce qui est quelque peu surprenant…

Une édition DVD permet en tout cas de le découvrir depuis quelques semaines et le fait que le court métrage du même titre figure en bonne place sur la page d'accueil du menu permet de lier les deux films et de souligner d'abord leurs différences, le premier ayant influencé le second en prenant une tout autre direction narrative et même philosophique. Au contraire, par exemple, du Madre de Rodrigo Sorogoyen, dont la version longue sortira – normalement – à la fin du mois de juillet en France et dont le début est directement le court inclus, in extenso, dans le montage, Nattiv a choisi une autre voie.

Skin, le court” (photo ci-dessous) mettait en scène une famille de suprémacistes blancs de l'Amérique profonde dans sa vie quotidienne, le père néo-nazi ayant tous les airs du papa modèle vis-à-vis de son petit garçon blondinet – quoique lui apprenant à tirer à la carabine ! – et montrait son véritable visage de raciste immonde et ultra-violent en passant à tabac un autre père de famille, d'origine afro-américaine, en le provoquant à la sortie d'un supermarché. La vengeance des amis du malheureux surprenait le spectateur en prenant un tour inattendu jouant sur le motif annoncé par le titre, celui de la peau, au sens propre et figuré à la fois. Un scénario diaboliquement efficace entraînait alors jusqu'à une chute directement lancée à la face des soutiens de cette Amérique infecte, jusqu'aux sommets de l'État. Démonstratif, peut-être, mais puissant comme un direct au foie…

Dans le long métrage Skin, un autre fil scénaristique est tiré, inspiré par l'histoire vraie d'un “repenti” : ici, pas de vengeance de la part des agressés, mais une rédemption escomptée de la part du personnage central, incarné par Jamie “Billy Eliott” Bell, membre d'un groupe néo-nazi quasiment organisé en milice et multipliant les méfaits et coups de main xénophobes les plus écœurants. Son désir de revenir à une vie plus apaisée et débarrassée des oripeaux de cette “famille d'affinité” le reliant à la lie de l'humanité, tel est l'enjeu d'une écriture assez inspirée et qui fait renaître un espoir là où on pensait vraiment que ce fût peine perdue. Le thème de la peau revient, également à travers le symbole du tatouage, le corps et le visage du protagoniste, Bryon Widner, le caractérisant plus encore qu'une teinte de l'épiderme. Son chemin est donc celui d'effacer tout un passé, donc ses traces les plus voyantes…

On retrouve dans les deux films la figure pulpeuse de l'Australienne Danielle McDonald, en mère de famille parfaitement représentative de ce prolétariat fruste, aveuglé par les inepties d'extrême-droite, et qui donne pourtant, presque malgré elle, le signe du déclic à une âme en apparence irrécupérable. La sèche âpreté du récit rejoint, dans une voie différente, l'implacable mécanisme du court métrage ; il convient donc de visionner les deux films en regard, surtout en cette année électorale outre-Atlantique qui menace de reconduire dans ses fonctions l'actuel pensionnaire de la Maison-Blanche, plus que suspect dans son rapport à ces factions ultra-réactionnaires, simplement glaçantes.

Christophe Chauville

 

Skin de Guy Nattiv, ESC Éditions / The Jokers, 14,99 euros (19,99 en Blu-ray).
Paru en décembre 2019.

 

 

À lire aussi :

- L'Oscar 2019 du court métrage de fiction pour Skin.

- Skin, présenté dans le cadre des Nuits en or 2019.