Extrait
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Mars exalté

Jean-Sébastien Chauvin

2022 - 18 minutes

France - Expérimental

Production : Venin Films

synopsis

Un homme endormi rêve d’une ville à la tombée du jour.

Jean-Sébastien Chauvin

Jean-Sébastien Chauvin a d'abord été critique de cinéma, au sein de la rédaction des Cahiers du cinéma, jusqu'en 2004. Il est ensuite passé à la réalisation avec un premier court métrage produit par le Grec, Les filles de feu, en 2008. Le film a été présenté au Festival de Cannes, dans le cadre de la Semaine de la critique.

La tristesse des androïdes et Et ils gravirent la montagne suivirent en 2011. En 2015, Les enfants fut sélectionné en compétition nationale au Festival du film de Clermont-Ferrand et aux Rencontres du moyen métrage de Brive.

Également enseignant, à l'ESEC et à l'Université Paris 8, Jean-Sébastien Chauvin a reçu le très convoité Teddy Award au Festival de Berlin, pour Mars exalté, en 2021. Il signe dans la foulée Le roi qui contemplait la mer, un nouveau court métrage, son sixième, qui se voit distingué du Grand prix, ex-aequo, de la compétition fiction du Festival Côté court de Pantin. Dans le même temps, Mars exalté remporte le Grand prix de la catégorie Essai/Art vidéo.

Critique

Avertissement : certaines images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs

En 2022, avec deux œuvres aussi différentes que complémentaires, le cinéma de Jean-Sébastien Chauvin – qui fut par le passé défendu ou invité en ces pages – nous a semblé se réinventer via la mise en scène frontale d’un désir soudain moins théorique que celui transpirant du final halluciné des Filles de feuson mémorable premier film. Un peu comme si s’estompaient les filtres cinéphiliques (le romanesque exalté de Brisseau dans Les filles de feu2008, le cauchemar lynchien dans La tristesse des androïdes, 2011), le conte spielbergien dans Les enfants (2014) et que se révélait, dans une simplicité d’exécution nouvellement apprivoisée, une maturité de regard jusqu’alors inédite. Si la périphérie nocturne de Mars exalté semble bien étrangère à la lumière méditerranéenne du Roi qui contemplait la merces deux œuvres ne cessent pourtant, à nos yeux, de dialoguer : dans leur manière d’envisager un corps masculin iconisé d’abord, dans leur façon de brouiller les temporalités ensuite. Deux films comme des songes invitant le spectateur à lâcher prise. C’est particulièrement vrai du premier, geste radical qui, suivant la respiration d’un homme qui dort, rêve et s’abandonne, redouble à bien des égards l’expérience du spectateur dans la salle de cinéma (lequel s’abstrait de sa vie, la met entre parenthèses, voire se laisse parfois gagner lui aussi par le sommeil). Ici, la temporalité questionne constamment sa linéarité. Est-on la nuit, est-ce l’aube, remonte-t-on le temps ? Cet environnement est-il celui du dormeur ? Est-ce son rêve que le montage convoque ? Les repères spatiotemporels se brouillent, comme déjà dans Les filles de feu

Logique onirique partagée par Le roi qui contemplait la mer qui, tel La jetée de Chris Marker, s’ouvre sur l’évocation d’une image (un homme hâlé effectuant des exercices de musculation face à la mer) par une voix off au statut ambigu. Cette vision, le personnage principal n’aura de cesse de la poursuivre pour s’y confronter en passant du statut de voyeur à celui d’acteur, de celui d’étranger à celui d’amant. Quelques détails viennent toutefois suggérer que la rencontre a peut-être déjà eu lieu ou qu’elle peut n’avoir été que rêvée. Disparition, fantôme, fantasme : si ces motifs empruntent au fantastique, la beauté du film est de ne rien dévoiler clairement, de procéder par petites touches diffusant le trouble (significativement, une scène muette suggérant un drame auquel, bizarrement, on ne reviendra plus). 

Aussi mystérieux que fascinants, aussi déstabilisants qu’enveloppants, ces deux courts métrages primés notamment à Côté court justifiaient bien que l’on rencontre à nouveau leur auteur. 

Stéphane Kahn

Article paru dans Bref n°128, 2023.

Réalisation : Jean-Sébastien Chauvin. Image : Maxime Berger. Montage : Patric Chiha. Son : Damien Boitel et Xavier Thieulin. Interprétation : Alain Garcia Vergara. Production : Venin Films.

Bonus

Rencontre avec Jean-Sébastien Chauvin