En salles 06/05/2019

Un signe du ciel : “Les météorites” de Romain Laguna

Remarqué au Festival de San Sebastian en 2018, le premier long métrage de Romain Laguna est à voir en salles à partir du 8 mai.

La dernière séquence du premier long métrage de Romain Laguna est magnifique, le mot n’est pas exagéré, dans son épure et sa sobriété. En sa confiance envers les moyens du cinéma, aussi, ce qui couronne un parcours assez exemplaire pour cet ancien étudiant de la Fémis, qui y était entré en production avant de se réorienter rapidement vers la réalisation. Un entretien en sa compagnie, dans Bref n°123, au printemps 2018, s’achevait sur l’évocation de ce film, finalement intitulé Les météorites, où la problématique de la recherche de sa place – sociale, mais aussi individuelle, intime et même cosmique – resurgit avec force.

Le personnage principal, la jeune Nina, a seize ans ; elle est déjà sortie du cadre scolaire, travaille dans un parc d’attraction thématique et vit avec une mère que l’on devine “adulescente”, inconstante et peu présente. La vision d’une météorite zébrant le ciel, au-dessus des beaux reliefs saillants de l’arrière-pays biterrois, agit en elle comme le signe que quelque chose est en passe de lui arriver... Serait-ce par exemple cette apparition – dans un sens presque sacré – de Morad, le frère de sa copine Djamila ? Le cinéma de Romain Laguna a cette double faculté à capter une vérité sans affects de la jeunesse des années 2010, avec sa tchatche, ses valeurs, sa musique, tout en intégrant un certain romanesque et, comme une voûte recouvrant ces histoires d’aujourd’hui, la présence de l’espace, des planètes, de l’histoire de la Terre et de ceux qui nous y ont précédés, dinosaures ou reptiles. La discussion existentielle du trio de rappeurs de J’mange froid se perpétue dans le trouble saisissant pour la première fois Nina, qui prend conscience du “grand tout” auquel elle appartient au moment même où elle tombe amoureuse et savoure les plaisirs charnels.

Mais à cette imprégnation métaphysique répond aussi un enracinement au cœur de l’époque : le rap qu’on entend, qui est d’ailleurs très bon, est percutant et velléitaire, et une conscience politique subsiste, même si elle n’est pas partagée de tous : le meilleur pote de Nina s’apprête à s’engager pour aller combattre un danger qu’une simple allusion suffit à désigner, ce qui suffit à indigner la jeune fille. En reflet, la lycéenne du court métrage À nous trois Marianne, en 2011, se démenait pour manifester entre les deux tours de la Présidentielle de 2002 et la première présence du FN à ce stade du scrutin. Avec Les météorites, le portrait de la jeunesse bouillonnante s’affirme encore et contourne les clichés en s’appuyant à la fois sur la finesse de l’écriture – développée en binôme par le réalisateur et Salvatore Lista, dont on connaît par ailleurs le travail – et la direction d’acteurs, notamment cette parfaite débutante qui joue Nina, Zéa Duprez, que l’on pressent promise à bel avenir.

Christophe Chauville


Filmographie courts métrages de Romain Laguna

À trois sur Marianne (2011, 18 min)
Run (2013, 29 min)
Bye bye Mélancolie (2014, 22 min)
J'mange froid (2017, 18 min)

Photos : © Les Films du Clan.

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