En salles 11/04/2018

Au clair de Luna

Un peu moins de nouveautés que d’habitude au cinéma cette semaine, donc une raison en plus de ne rater sous aucun prétexte "Luna”, le premier long métrage d’Elsa Diringer.

La réussite de certains passages du court au long donne parfois un doux sentiment de satisfaction et d’une certaine “justice”. C’est le cas avec Elsa Diringer, dont on suit le parcours depuis une dizaine d’années et qui est à créditer d’un travail remarquable au sein du collectif Tribudom, actif dans l’Est parisien et pour qui elle avait notamment tourné deux épisodes de la web-série Demain j’lui dis, à savoir La disparition et Réussir. C’étaient aussi là des courts métrages en tant que tels, manifestant une écriture nerveuse et précise autant qu’une capacité particulière à diriger les adolescents et/ou les jeunes adultes.

Bien sûr, la vocation du projet permettait de croiser de nombreuses thématiques de la vie urbaine de collégiens issus de quartiers populaires, entre harcèlement scolaire, violences latentes, questions de sexualité, etc. Mais le syndrome du film à thèse était évité, comme d’ailleurs avec Ada, qui avait fait connaître sa réalisatrice en étant sélectionné au Festival de Clermont-Ferrand en 2009, déjà axé autour de la figure d’un garçon de seize ans, Ivan, et comme avec C’est à Dieu qu’il faut le dire, plutôt différent dans son approche comme dans son sujet, suivant une mère célibataire africaine, femme de ménage la nuit et dans l’embarras pour faire garder ses jeunes enfants pendant qu’elle travaille. Un film social âpre et tenu, souvent proche d’une tonalité documentaire et qui se tenait délibérément loin de tout romanesque. Ce qu’Ada avait, en revanche, entrepris, par le biais du personnage-titre, une saisonnière agricole originaire d’Europe de l’Est, abusée sexuellement par son patron – sans jamais le dénoncer – sous les yeux d'Ivan, fasciné par cette inconnue au visage fermé.

Dans Luna, l’héroïne éponyme est elle aussi employée dans une plantation maraîchère du sud, mais le déploiement de la narration sur le format de long métrage permet de développer l’ambitieux sujet de l’évolution et même de la métamorphose, la “cagole” inconséquente apprenant à devenir adulte, à discerner le bien du mal, à aimer aussi... Dans le rôle-titre, une parfaite débutante, découverte en casting sauvage dans un lycée de Nîmes, crève l’écran, comme on disait jadis. Son nom est à retenir absolument : Laëtitia Clément. Tout comme celui d’Elsa Diringer, qui a permis cette assez prodigieuse émergence.

Christophe Chauville

Filmographie courts métrages 
Les féminines (2007, 41 min)
Passagère (2007 13 min)
Ada (2009, 23 min, photo)
C'est à Dieu qu'il faut le dire (2010, 17 min)
La meilleure amie (2010, 10 min)
L'instant présent (2012, 23 min)
La disparition (2013, 21 min)
Réussir (2014, 23 min)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 





Laëtitia Clément et Rod Paradot.