News 28/03/2019

Retour sur la Journée professionnelle du ROC

Le 14 mars dernier, dans le cadre de la Fête du court métrage, le Regroupement des organisations du court a, au Ciné 104 de Pantin, organisé pour la 5e fois un après-midi professionnel qui a vu se succéder deux tables rondes.

Introduits par Jacky Évrard, directeur du festival Côté court et hôte de cette journée inscrite dans le déroulé de la Fête du court métrage, puis par Ludovic Henry et Alexandre Lança, coprésidents du ROC, les débats étaient modérés comme l’année dernière par Xavier Leherpeur et ont été suivis par une salle plutôt garnie.

On s’est d’abord posé la question de la démocratisation des moyens de production et de ses effets sur l’émergence de nouveaux talents, sous l’engageant intitulé de “Tous courts métragistes ?”. Doctorante à Paris 3, Sejeong Hahn, qui a assuré l’introduction de la discussion, y a répondu plutôt par l’affirmative, détaillant les divers profils de créateurs pris en compte au sein de ses propres recherches, même s’il apparaît encore un peu difficile de mesurer pour l’heure les changements en cours.
 

Ce qui est sûr, c’est que le “Do It Yourself” semble désormais plus aisé, notamment pour les autodidactes, même si l’autoproduction est évidemment une première modalité de poursuivre dans un cadre plus professionnel et de mettre le pied dans la porte. Guillaume Renusson, lauréat du Mobile Film Festival en 2013 avec Une minute de silence, en est un exemple parfait, ayant ainsi mis le pied à l’étrier et étant désormais, six ans après, à l’étape du développement d’un premier long métrage (et après plusieurs courts métrages, dont La nuit, tous les chats sont roses en 2015, photo ci-dessous). Ces concours apparus depuis une dizaine d’années, précisément, tels le festival Nikon que représentait Alexandre Dino, se profilent ainsi comme des tremplins possibles, même si les 800 à 1000 films, voire plus, qui y participent chaque année n’ont pas tous forcément à voir avec le cinéma et ses critères artistiques, il faut bien le reconnaître…

Sans doute certains dispositifs spécifiques nés dans le même temps, comme la Ruche, liée à Gindou cinéma et représentée par Sébastien Lasserre, sont-ils des incubateurs de talents aussi importants, sinon davantage encore, s’adressant à des créateurs potentiels un peu perdus dans les limbes, éloignés géographiquement ou symboliquement des endroits où se fait concrètement le cinéma, sans formation spécifique et qu’il peut être pourtant précieux d’accompagner. L’itinéraire de Lucie Fichot, qui a remporté le Label jeune producteur de la Maison du film en 2018, résonne directement avec cette notion d’éloignement, puisqu’elle-même l’était, isolée, avant de venir progressivement vers son activité de productrice, par une suite de hasards, avoua-t-elle, jusqu’à retourner dans sa région d’origine, la Bourgogne, pour y installer sa société, dans un tout petit village. Dénicher des auteurs locaux semble donc naturel pour elle et l’on sait que d’autres démarches similaires ont lieu un peu partout dans l’Hexagone. 

La question de la diffusion se pose ainsi pour les nouveaux venus autodidactes et autoproduits ou non, comme pour les autres, ce que Calmin Borel, de Sauve qui peut le court métrage, a pu rappeler en mentionnant les chiffres toujours impressionnants des inscriptions, en exponentielle augmentation, au Festival de Clermont-Ferrand, depuis… toujours ! En deux mots, c’était 10 000 films soumis, en tout, cette année contre moitié moins en l’an 2000…

La question d’absorber le nombre d’œuvres finalisée étant posée, celle de la qualité de celles-ci suit immanquablement et la création de dispositifs ouverts par vocation, mais encadrés par des structures “pro”, comme par exemple les Talents en courts, la Résidence de la Fémis ou HLM sur courts, participent vivement à enrichir le vivier (voir le cas de Maïmouna Doucouré, venue d’un domaine étranger au cinéma, écrivant et réalisant jusqu’à se retrouver primée à Sundance et aux César avec Maman(s) (photo ci-dessous), et placée sur la bonne lance de rampement pour le long métrage assez vite, du coup)…

La promesse de variété ainsi soulevée trouve peut-être son débouché naturel à travers la multiplication des espaces de diffusion numériques, sujet de la seconde table ronde de la journée, “Algorithmes et diversité”, qui en a exposé les différentes problématiques. Jean-Samuel Bouscart, sociologue spécialisé en la matière, a évoqué l’efficacité sur les plateformes des recommandations, la perception de celles-ci variant entre compréhension et méfiance, sans qu’on sache vraiment ce qu’il en est sur le court métrage.

Sans doute l’enseignement principal de la discussion tourne-t-il autour des chiffres livrés par le CNC, via Lucie Carrette, chargée de mission vidéo à la demande et innovation VOD, indiquant que les séries représentaient 58% des visionnages sur les plateformes VOD et le cinéma seulement 27%, les œuvres françaises plafonnant à 16% de cette “consommation”… Il est donc éclatant que le court se trouve dans une niche de niche de niche, le rôle des pouvoirs publics étant plus que jamais de soutenir la diversité, sacrément mise à mal sur ce terrain. Le CNC aide par conséquent 50 plateformes, à travers ses aides sélectives ou automatiques, et pas mal d’initiatives convergent vers ce boulot indispensable de mise en valeur éditorialisée du format : Universciné, Benshi, Tënk ou, bien sûr, Brefcinéma.

Le lancement, en ce printemps, du “bouquet” de Télérama, présenté par Cyril Barthet, va dans le sens de ces préoccupations qualitatives ; le contenu primant toujours et l’algorithme étant pour le coup… humain ! Susciter le désir étant l’enjeu majeur, surtout pour l’un des derniers organes de presse encore prescripteur, l’idée est toujours de ne pas condamner le court à un ghetto et lui permettre de conquérir un public plus large. Lucie Canistro, d’Universciné, précisait que certains des 400 courts en ligne au sein de l’offre de ce site de cinéma d’auteurs, qui compte 6000 titres, étaient plus vus que pas mal de longs, certes parfois très pointus… Le téléchargement pour une location simple peut, pour certains événements ou des films très présents en festivals, avoir de bons taux, possiblement autour de 1000 achats, ce qui ramène aussi la notion de niche…

La nécessité d’accroître la notoriété de la proposition, dans sa globalité, se poursuit, autour d’un écosystème que l’on veut, comme le rappelait Alexis Viprey pour L’Agence du court métrage, sain et vertueux pour tout le monde, les ayants droit en tête. La Fête du court ayant depuis annoncé les chiffres officiels de l’édition 2019, soit 12 400 séances –en France et à l'international – pour 2,5 millions de spectateurs, ce qui laisse quand même un peu de marge pour agrandir un peu la niche, du moins nous en gardons espoir…

Christophe Chauville

 

On pourra se reporter également au communiqué de presse officiel relatif à cette Journée professionnelle du 14 mars, ici.