Extrait
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Ainsi commença le déclin d’Antoine

Paul Rigoux

2021 - 23 minutes

France - Fiction

Production : Dos au mur Production

synopsis

Antoine – nerveux solitaire – passe ses journées dans un café de la Place de Clichy à observer les gens. Tous les jours, il voit une jeune femme, qu’il appelle Albertine, sortir du métro et aller au cinéma. Aujourd’hui, il prend sur lui et décide de lui parler. Ainsi commença le déclin d’Antoine.

Paul Rigoux

Après avoir grandi à Bordeaux – où il est né en 1994 – et y avoir suivi des études de droit, Paul Rigoux obtient un Master 2 à l'université Jean-Moulin/Lyon 3 et gagne Paris, intégrant la Fémis en section distribution. En parallèle de son cursus, il réalise un premier court métrage avec ses amis de l'école : Ainsi commença le déclin d'Antoine.

Après plus d'une trentaine de sélections dans les festivals saluant ce coup d'essai, il est lauréat du concours de scénarios du GREC, qui lui permet alors de réaliser Rapide. Il y retrouve ses interprètes Abraham Wapler et Mélodie Adda, rejoints pour le coup par Édouard Sulpice et Mathilde Weil.

Rapide rencontre à son tour un succès considérable, remportant notamment le Grand prix au FIFIB en 2022, le Prix du public au Festical Premiers plans d'Angers 2023 et le Prix du meilleur premier film à Côté court, à Pantin, la même année, avant de figurer dans la sélection du César 2024 du meilleur court métrage de fiction.

Paul Rigoux est aussi musicien, au sein du groupe Bancal, qu'il a de surcroît cofondé en 2017.

Critique

“Ce dont on doit se souvenir, on s’en souvient”. La phrase répétée par chacun des deux protagonistes du premier film de Paul Rigoux est d’autant plus marquante pour le spectateur de son film suivant, Rapide. Oui, on se souviendra assurément d’Ainsi commença le déclin d’Antoine, qui marque la fondation d’un cinéma de la douce intranquillité contemporaine.

On ne sait pas si Antoine est un rapide ou un lent, certainement un peu des deux, mais il est vraisemblablement contaminé par le narrateur des Carnets du sous-sol de Dostoïevski, dans l’amertume de ses vingt-quatre ans : “Vous êtes tous des poux (…). Je ne peux pas m’empêcher de penser que vous faites semblant.

Le remède à toute forme d’angoisse depuis le temps du cinéma de la Nouvelle Vague, c’est bien sûr l’amour et le cinéma. Antoine, personnage littéraire, garçon enivré par ses lectures et sa propre parole, aborde Jeanne, apprentie scénariste qu’il avait renommé Albertine dans son imaginaire, après qu’ils aient vu au cinéma Matins calmes à Séoul d’Hong Sang-soo. En parsemant son film de tous ces signes culturels qui fait de lui autant un cinéaste méta que malicieux, Paul Rigoux inscrit son film dans une tradition cinématographique française de la rencontre séductrice qu’une forme de nihilisme solitaire voue finalement à l’échec (“Je veux la revoir… J’en suis incapable…”). Ne reste à la fin qu’un triste “face to face” sexuel et virtuel électrisé par le Stamina de la chanteuse productrice Coucou Chloé. Et Antoine reste seul.

“Ce dont on doit se souvenir, on s’en souvient”. On se souvient alors des éléments multiples qui constituent l’épicentre du cinéma de Paul Rigoux à ce jour : la rencontre sous le signe de la joute verbale en long plan-séquence, une parole qui s’accélère ou se freine (un peu comme un expresso soudain ralenti par un déca…), des théories définitives et des aspirations décadentes au bonheur, la nécessité des pauses clope, des comédiens déjà fétiches (Abraham Wapler et Mélodie Adda), l’enracinement géographique dans un quartier parisien précis (ici, la Place de Clichy, son Cinéma des cinéastes et sa brasserie Le Petit Poucet, au nom bien choisi), des garçons qui dansent tout seul chez eux sur une électro noire et puissante, la peur de l’ennui et du vide.

“Ce dont on doit se souvenir, on s’en souvient”. Si l’on se souviendra du déclin d’Antoine, c’est dès maintenant pour célébrer l’avènement d’un cinéaste soucieux de transformer nos mélancolies passagères et ultra contemporaines en matière cinématographique aussi stylée que réjouissante… et apaisante !

Bernard Payen 

Réalisation et scénario : Paul Rigoux. Image : Noé Mercklé. Montage : Helio Pu. Son : Valentin Keung et Hugo Cohen. Interprétation : Abraham Wapler et Mélodie Adda. Production : Dos au mur Production.

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