En salles 25/01/2024

Léonard de Vinci : une fabuleuse histoire… pas que pour les petits

Vingt ans après L’enfant sans bouche, Pierre-Luc Granjon voit sortir sur grand écran – à partir du 31 janvier – son premier long métrage, coréalisé avec l’Américain Jim Capobianco et centré sur la figure d’un irréfutable génie : Léonard de Vinci.

Jim Capobianco, scénariste pour Disney, notamment sur Ratatouille et Le Roi lion, a passé douze ans à préparer Léo, un biopic fantaisiste des dernières années de la vie de Léonard de Vinci. Persuadé dès le départ que le film devait être réalisé en volume, bien qu’il n’ait aucune expérience avec cette technique, il a décidé de faire appel au réalisateur français Pierre-Luc Granjon, dont il connaissait le travail – plus particulièrement Les 4 saisons de Léon, sa collection de 4 moyens métrages en marionnettes se déroulant dans le petit royaume d’Escampette.

Et il est vrai que, même si le long métrage a plutôt été porté par le cinéaste américain, on a le sentiment d’y retrouver en filigrane des échos du travail de l’animateur français, et notamment cette forme de poésie décalée qui traverse son œuvre, de Petite escapade (2001) au Chien (2018), son premier film réalisé sur l’écran d’épingles lors de la résidence de recherche et de développement organisée par le CNC – en attendant le prochain : Les bottes de la nuit.

On est notamment ébloui par certaines trouvailles visuelles, comme ce “nuage de fumée” – symbolisé par ce qui semble du coton – qui se forme quand Henri VIII et Charles Quint se battent, et dont François Ier sort en ouvrant tout simplement une fenêtre. Les deux cinéastes proposent également une approche allégorique des fameuses dissections auxquelles s’adonnait Léonard de Vinci, le représentant par exemple explorant le corps humain muni de ses ailes volantes. Il y a encore ce très joli moment où le savant invente quasiment le cinéma d’animation en projetant des dessins devant le Pape.

Le film repose par ailleurs sur une idée graphique déjà explorée dans le premier court métrage de Pierre-Luc Granjon, Petite escapade : utiliser l’animation en volume pour raconter ce qui est “vrai” et recourir au dessin pour figurer ce qui relève de l’imagination ou du rêve. Cela permet de retranscrire à l’écran le monde intérieur de Léonard de Vinci, ce monde bouillonnant qui va si vite que le personnage lui-même se fige, comme submergé par son propre flot d’idées. Le spectateur a presque le sentiment de voir le génie à l’œuvre.

Ce qui n’empêche pas le film de déborder d’humour, portant sur Léonard un regard plein de dérision (son obsession pour le secret de la vie et de l’âme humaine le met en mauvaise posture… et lui fait même pousser la chansonnette) et faisant de François Ier un fat ne pensant qu’à son image, avide d’en imposer aux monarques étrangers.

Dans les courts métrages du réalisateur, l’humour latent se double parfois d’une forme d’inquiétude, ce qui transparaît ici dans l’obscurantisme ambiant porté par les grandes figures d’autorité comme le pape ou le roi. Et s’il est tourné en ridicule (comme c’était le cas dans La grosse bête), il n’en demeure pas moins une menace concrète, seulement désamorcée ponctuellement par l’alliance de l’intelligence visionnaire de Léonard, de la grande culture de la princesse Marguerite et de l’espièglerie des petites filles qui l’accompagnent.

Même son habituel rapport fusionnel à la nature (Le loup blanc, Le chien) est présent dans une certaine mesure à travers les recherches du savant sur le cosmos, et sur son idée (exposée dans le tableau final de la grande fête donnée en l’honneur de François Ier) d’une harmonie absolue et nécessaire entre les différents corps célestes, quelles que soient leur taille et leur importance. Le film se transforme ainsi en hymne à la curiosité, encensant les arts, la science, la culture, et bien sûr la transmission des idées et du savoir.

Marie-Pauline Mollaret

Visuels : © 2023 Curiosity Studio Limited.

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- Entretien avec Benoît Chieux.

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- Une rencontre avec Pierre-Luc Granjon à propos de Wardi (2019).