Extrait
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Zaa, petit chameau blanc

Yannick Bellon

1960 - 25 minutes

France - Fiction

Production : Compagnie française d’études et de réalisations cinématographiques (COFERC)

synopsis

Un petit chameau, éloigné de son oasis natale et d’un petit garçon qu’il aime, cherche au cours de moultes aventures et avec quelques complicités à retrouver son paradis perdu.

Yannick Bellon

Née le 6 avril 1924 à Biarritz, Marie-Annick Bellon, dite Yannick Bellon, est une réalisatrice française, également monteuse, scénariste et productrice pour la société Les Films de l’Équinoxe.

Fille de la photographe Denise Bellon, elle grandit avec sa sœur Marie-Laure (qui deviendra la comédienne et dramaturge Loleh Bellon) dans un milieu artistique marqué à gauche, proche des surréalistes.

Elle fait ses études d’abord à Nice, au Centre artistique et technique des jeunes du cinéma, durant l’Occupation, puis à l’IDHEC. Elle réalise après la guerre son premier film, Goémons, qui remporte le Grand prix du documentaire à la Biennale de Venise 1948. Plusieurs autres courts métrages suivront, dont Colette, consacré à l’écrivaine, et Varsovie, quand même…, dont le texte est écrit par son époux Henry Magnan.

Ce dernier, qui s’est suicidé en 1965, inspirera aussi le premier long métrage de la réalisatrice, Quelque part quelqu’un, en 1972. Sept autres longs suivront, dans une tonalité féministe souvent engagée et abordant des sujets de société comme le divorce (La femme de Jean), le viol (L’amour violé) ou le cancer du sein (L’amour nu).

Yannick Bellon s’est éteinte le 2 juin 2019, dans le XVIIIᵉ arrondissement de Paris.

Critique

Allons-y d’emblée pour les superlatifs : Zaa, petit chameau blanc est un merveilleux conte pour enfants, une œuvre étonnante redécouverte à la faveur d’une épatante numérisation. Un court métrage de 1960 aux couleurs extraordinaires qui, en matière de candeur et d’enchantement, se hisse, trouve-t-on, quasiment à la hauteur des chefs-d’œuvre d’Albert Lamorisse, Crin-Blanc et surtout Le ballon rouge, lesquels le précédèrent de quelques années.

C’est aussi, à l’aune de l’hétéroclite filmographie de Yannick Bellon, une œuvre à part en cela qu’il s’agit du seul de ses films s’adressant aux enfants. Et puis, comme le relevait Donald James dans le dernier numéro de notre revue, c’est aussi une œuvre dont on ne saurait oublier qu’elle est contemporaine des différents mouvements d’indépendance au Maghreb et qui, en léger décalage avec l’Histoire en marche, semble fantasmer une Tunisie ancestrale et idéalisée.

Alors, exotique, le film l’est pour le moins, tout à la joliesse de l’image, des lieux et des paysages. Et le regard ici posé est forcément celui d’une étrangère venue d’un pays colonisateur, qui n’élude pas l’aspect “carte postale” de ses cadres. Mais c’est aussi ce biais involontaire (ne suscitant sans doute pas à l’époque les questions qu’on peut lui opposer aujourd’hui) qui permet d’inventer un récit s’arrimant à une naïveté lui octroyant toute sa saveur, le film assumant sans fard sa nature intrinsèque de “livre d’images” orientalisant.

Pour autant, on doit se souvenir, en regardant Zaa, petit chameau blanc, que sa réalisatrice vient du documentaire et que l’attention, réelle, qu’elle porte aux gestes des artisans ou des marchands, aux costumes et aux coutumes, n’est pas forcément si éloignée du regard investi et empathique que la jeune cinéaste portait sur des pêcheurs bretons miséreux (Goémons, son premier film, en 1947), que c’est peut-être même là – filmer à partir du réel géographique dans un pays si différent de la France – le prétexte principal pour tourner ce film.

Le commentaire est ici porté par le timbre chaleureux du comédien François Périer. Cette part de la voix off est d’ailleurs un point commun “d’époque” avec les documentaires réalisés alors, lesquels faisaient l’ordinaire de la production de courts métrages en France en ce tout début des années 1960. L’adresse facétieuse du narrateur au spectateur, le dialogue avec un enfant ouvrant le récit, c’est aussi, bel et bien, la porte d’entrée sonore dans le conte, une invitation, le sésame pour pénétrer une histoire convoquant d’emblée l’imagination et cédant volontiers sur un anthropomorphisme tant décrié depuis, en prêtant nombre de pensées intérieures au chamelon héroïque.

Mais la beauté du film tient tout autant, plus fugacement, à ces moments où la narration off se suspend et où la cinéaste semble s’en remettre à une expressivité des plans et des images dignes du cinéma muet (ces quelques minutes, poignantes, où l’enfant découvre que Zaa a été vendu).

Si une telle histoire d’amitié entre un enfant et un animal peut donc faire penser, nous le citions en préambule, à Crin-Blanc, voire à L’étalon noir de Carroll Ballard (et à maintes autres aventures écrites ou filmées), une différence notable tient au fait qu’Aïdi, le jeune garçon, disparaisse assez vite du récit et que nous suivions plutôt Zaa au gré de ses pérégrinations (en train, en bateau…), entre ses différents propriétaires, en différents lieux, le film évoquant alors à nos yeux, au jeu des références aussi subjectives qu’anachroniques, une version “solaire”, magique et optimiste du mésestimé et picaresque Cheval de guerre de Steven Spielberg (2011).

Stéphane Kahn

Réalisation : Yannick Bellon. Scénario : Yannick Bellon, Jean Salvy et Claude Roy. Image : André Dumaître. Montage : Étiennette Muse. Son : Alain Vié. Musique originale : Guy Bernard. Voix off : François Périer. Production : Compagnie française d'études et de réalisations cinématographiques (COFERC).

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