Extrait
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Mondo domino

Suki

2021 - 6 minutes

France - Animation

Production : Utopi, Arte France et Pictanovo

synopsis

Dans un vacarme de tronçonneuses assourdissant, des bûcherons fredonnent gaiement en abattant des arbres destinés à servir de décor pour un défilé de mode. Une satire cartoonesque contemporaine, sous forme de tragi-comédie musicale d’action burlesque, nous entraîne alors dans un délirant tourbillon de réactions en chaîne toutes aussi chaotiques que grotesques…

Suki

Né en 1977, Suki signe des œuvres d'animation autoproduites dès la fin des années 1990. Il crée une websérie comique intitulée Les enquêtes de Dick Spader et sélectionnée aux festivals d’Annecy et Ottawa. En 2006, son court métrage Reflets, sur un registre de thriller animé, connaît une carrière internationale (Dresde, Brooklyn, Animamundi., etc.).

En 2013, N’Djekoh est présenté, entre autres, à Annecy et fait partie du programme “Les nouveaux visages de l’animation française” qui circule au Canada l'année suivante.

En 2017, Suki co-fonde avec Stéphane Debureau et Jean-Philippe Gréau la société Utopi, avec laquelle il réalise et produit L’anguille, la fouine et le vautour

En 2021, son Mondo domino, toujours produit par Utopi, rencontre un ample succès, se voyant sélectionné dans 130 festivals internationaux (Bruxelles, Cleveland, Drama, Vila do Conde, Odense, Sacramento, Stutgart ou encore le Colcoa, à Los Angeles, etc.) et remportant 30 prix à travers le monde. Il est suivi dès 2023 d'un nouveau film, Un grain de sable dans l'univers, qui remporte le Valois du meilleur court métrage au Festival du film francophone d'Angoulême.

Critique

Titre rigolo, plein de “o”, un peu mambo, Mondo domino évoque à tous ceux qui s’en souviennent la théorie des dominos. C’est-à-dire l’axiome de la guerre froide qui a suscité l’interventionnisme ravageur américain au cours des années 1950-80. Ou bien, pour résumer, la théorie selon laquelle, si l’on ne faisait rien, tous les pays du monde, comme des dominos, seraient peu à peu emportés par la contagion communiste.

Pas de cours d’Histoire ici de la part du réalisateur Suki. Né en 1977, il signe avec Mondo domino son troisième court métrage. Réalisateur-producteur, il autoproduit des courts animés depuis 1998 et a notamment aiguisé son stylet en réalisant les courts N’Djekoh (2013) et L’anguille, la fouine et le vautour (2017), ainsi qu’une websérie potache référencée 300% polar américain : Les enquêtes de Dick Spader

Pas de cours d’Histoire mais, cependant, la sensation que cette animation sur un rythme frénétique, épousant la marche exaltée des tambours du Boléro de Ravel, avec ses personnages cartoon aux airs de Titeuf passés au tamis des couleurs de Barbie, évoque tout de même les angoisses de notre monde moderne : crainte de la catastrophe écologique, peur d’un monde au bord de l’explosion finale où l’on se demande chaque matin quelle sera la funeste étincelle. 

Satire éclairée, Mondo domino ne se prend absolument au sérieux et c’est peut-être là, son côté à la fois effréné, décalé, bande dessinée trash et pinky, en un mot sa légèreté, ce qui en fait sa première qualité. 

Joyeusement délirant, Mondo domino est néanmoins tout sauf un film idiot. Les bonnes idées fourmillent et touchent juste. À commencer par celle, géniale et décapante, de l’étincelle qui serait une maladresse écologique, une simple broutille, et où, au final, la catastrophe ait comme point de départ un défilé de mode… Ensuite tout repose sur la mécanique des enchaînements. Vertige de plans où tout et tous, flics et pilleurs, dans des effets de zooms arrière, se confondent et où ces mêmes effets en forme de poupées russes permettent de suggérer la spécularité des regards, de pointer la médiatisation de la catastrophe. 

On n’a encore rien dit de la fin. Or c’est là le clou du spectacle… Mondo domino est un film à chute. En cela, il renoue avec une certaine idée circassienne et burlesque du cinéma. Le film à chute, c’est un cinéma qui eut ses heures de gloire (l’écurie Sennett, les films des premiers temps) et sa belle époque (les courts métrages français des années 1980-90). Les films à chute, un peu comme des blagues, sont souvent meilleurs quand ils sont courts et surtout lorsque, par leur détour inattendu, ils dépassent, transcendent justement l’exercice de la petite blague. On renverra ici à l’article écrit par Jacques Kermabon au sujet d’un grand classique du film à chute, Omnibus de Sam Karmann, à travers lequel l’ex-rédacteur en chef de Bref rappelle que le comique “est d’abord affaire de rythme et de mécanique, tout un art de savoir ménager crescendos et effets de surprise”. Cette mécanique se révèle ici parfaitement bien huilée et ce, jusqu’au dernier des dominos. Mambo !

Donald James

Réalisation et montage : Suki. Scénario : Stéphane Debureau et Suki. Animation : Gabriel Jacquel et Suki. Son : Jean-Philippe Gréau et Suki. Musique originale : Jean-Philippe Gréau. Production : Utopi, Arte France et Pictanovo.

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