Extrait
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Mauvais temps

Alain Gagnol, Jean-Loup Felicioli

2006 - 5 minutes

France - Animation

Production : Folimage

synopsis

Un conducteur malchanceux crève un pneu de sa voiture dans un quartier particulièrement mal famé. D’ailleurs à peine est-il descendu de sa voiture que des inconnus menaçants l’abordent en lui mettant un couteau sous le nez. L’homme s’enfuit et trouve refuge dans un immeuble dont il bloque la porte d’entrée. Le siège de l’immeuble commence.

Alain Gagnol

Alain Gagnol est né le 13 mai 1967 à Roanne (Loire). Romancier, scénariste et réalisateur de cinéma d'animation, il est passé par l'école Émile-Cohl, à Lyon, avant de travailler comme animateur aux studios Folimage à partir de 1988.

Il collabore pour la première fois avec Alain Gagnol sur L'égoïste (1996), avant une série conçue à quatre mains pour Arte et Canal+ tout à la fois : Les tragédies minuscules. Un couteau dans les fourchettes (1999) en fait partie.

Le duo poursuit sa collaboration sur Le nez à la fenêtre (2001), Le couloir (2005) et Mauvais temps (2006). Leur premier long métrage, Une vie de chat (2010), est un succès, obtenant même une nomination aux Oscars.

Le suivant, Phantom Boy, sort en 2015, tandis que les deux réalisateurs reviennent parallèlement au format court par le biais du polar Un plan d'enfer (2015), suivi du Chat qui pleure en 2018.

Alain Gagnol signe en solo un court métrage en prises de vue réelle en 2019 : La solitude est un animal de compagnie.

En 2023 sort un nouveau long métrage du tandem Felicioli-Gagnol, à l'attention des jeunes audiences : Nina et le secret du hérisson

Gagnol a également coécrit Sirocco et le royaume des courants d'air de Benoît Chieux, dont la sortie en salles en France est fixée au 13 décembre prochain.

Jean-Loup Felicioli

Neé le 18 juillet 1960 à Albertville (Savoie), Jean-Loup Felicioli a étudié aux Arts décoratifs de Strasbourg, puis aux Beaux-Arts à Annecy et à Perpignan, avant de travailler dans un atelier de restauration à Valence et de pratiquer la sculpture, la peinture et la réalisation. Il se rapproche ainsi des studios Folimage, d'abord comme animateur, puis en tant que réalisateur, à travers un premier court métrage d'une durée de deux minutes, utilisant la pâte à modeler, en 1989 : Sculpture/sculptures. Une nomination au César du meilleur court métrage d'animation salue ce coup d'essai.

En 1992, il coréalise avec Jacques-Rémy Girerd un court métrage appelé à un beau succès : Le Wall. Il travaille ensuite pour la première fois avec Alain Gagnol sur L'égoïste (1996), avant une série conçue à quatre mains pour Canal+ : Les tragédies minuscules. Un couteau dans les fourchettes (2000) en fait partie.

Le duo poursuit sa collaboration sur Le nez à la fenêtre (2001), Le couloir (2005) et Mauvais temps (2006). Leur premier long métrage, Une vie de chat (2010), est un succès, obtenant même une nomination aux Oscars.

Le suivant, Phantom Boy, sort en 2015, tandis que les deux réalisateurs reviennent parallèlement au format court par le biais du polar Un plan d'enfer (2015), suivi du Chat qui pleure en 2018.

En 2023 sort un nouveau long métrage à l'attention des jeunes audiences : Nina et le secret du hérisson.

Jean-Loup Felicioli a été également crédité comme directeur artistique sur La prophétie des grenouilles, de Jacques-Rémy Girerd, en 2003.

Critique

On sait comme le cinéma d’Alain Gagnol et Jean-Loup Felicioli, en se tournant vers le jeune public depuis le long métrage Une vie de chat en 2010, n’a rien abandonné de son goût pour les humeurs du film noir (rappelons que Gagnol est parallèlement l’auteur de plusieurs romans, parus dans la Série noire notamment). Jusqu’au récent Nina et le secret du hérisson, on aime justement comme les deux réalisateurs ont su plier leur genre de prédilection à des récits moins perturbants, moins psychologiques qu’à l’époque de leurs courts les plus connus (L’égoïste, Un couteau dans les fourchettes), tout en plongeant leurs jeunes protagonistes dans des enquêtes tortueuses ou en les confrontant à des bad guys emblématiques (on se souvient particulièrement de Jean-Pierre Marielle, l’homme au visage cassé, dans Phantom Boy, en 2015).

Mauvais temps, exercice de style virtuose, est un film très bref, fabriqué en 2006, avant cette transformation et ce changement assumé d’auditoire. Un film ouvertement lugubre, volontiers formaliste, où les deux réalisateurs abandonnent provisoirement la couleur pour plonger dans un expressionnisme très référencé (du Cabinet du Docteur Caligari de Robert Wiene au Troisième homme de Carol Reed, entre mille influences). Ici, les perspectives forcées, les ombres portées et les angles biscornus traduisent très classiquement la plongée dans le cauchemar d’un protagoniste malchanceux.

Pour ce dernier, les mésaventures s’enchaînent dans une logique de rêve malaisant, où une agression nocturne (et totalement gratuite) semble être la conséquence arbitraire d’un pneu crevé et d’un déluge annonciateur des déconvenues à suivre – ainsi qu’en atteste un titre jouant comme une métonymie de l’ensemble. Le récit, porté par le thème répétitif et trépidant composé par Serge Besset, semble ainsi s’enrouler sur lui-même, comme cet escalier en spirale grimpant dans l’immeuble quasiment désert où le héros se réfugie : plus le personnage cherche à échapper à ses poursuivants, plus il rencontre de nouveaux dangers (une locataire peu empathique le met en joue) ou se confronte à de nouveaux risques (monter tout en haut pour mieux… chuter). Jusqu’à l’irréparable et jusqu’à cet impact, off, qui, en une pirouette cynique, referme le film sur lui-même tel une boucle perverse.

Selon les références de chacun, on pourra penser au dernier tiers de Ténèbres de Dario Argento (le cauchemar sans fin, chaque prise de décision amenant à mieux s’enfoncer dans la gueule du loup) ou à la progression dramatique d’After Hours de Martin Scorsese (l’empilement de situations absurdes). Et l’on verra aisément ce personnage bringuebalé par le sort comme le prisonnier des rouages d’un film noir retors déroulant ses pièges à mesure qu’il avance. Explicitement, d’ailleurs, les phares dans lesquels le fige le dernier photogramme n’évoquent-ils pas une cabine de projection ? Et l’arrêt sur image scellant son destin ne s’apparente-t-il pas à une brusque fin de bobine ? Comme si, tandis que le personnage se retourne face au faisceau du projecteur, le film ne pouvait que se clore sur sa propre destruction. Défilement brisé. Image figée. Vie suspendue. Sans issue.

Stéphane Kahn

Réalisation : Jean-Loup Felicioli et Alain Gagnol. Scénario : Alain Gagnol. Image : Patrick Tallaron et Izu Troin. Animation : Jean-Loup Felicioli et Alain Gagnol. Montage : Hervé Guichard. Son : Samuel Billot, Loïc Burkhardt et Loïc Moniotte. Musique originale : Serge Besset. Production : Folimage.

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