Festivals 03/06/2019

Le concours de la jeune critique du Festival de Clermont-Ferrand 2019

Chaque année, le Festival de Clermont-Ferrand organise le concours de la jeune critique. Le public scolaire est invité à voir des courts métrages, à rencontrer des réalisateurs et à s’adonner à l’exercice de la critique. Partenaire de l’opération, Brefcinema publie les textes retenus par les différents jurys, à commencer par le propre choix de la rédaction, dans la catégorie “Lycée option cinéma”.

L’espace commun de Raphaële Bezin (2018, 9 min 40)

L’angle et le cadre sont deux questions fondamentales du cinéma. Pour repousser les limites du cadre, L’espace commun superpose des plans provenant de différents films mais pris dans un même lieu. Cette mosaïque d’image « recyclées » s’axe autour d’un centre qui traverse les films et surtout le temps. Cette proposition étonnante se développe en parallèle de l‘évolution urbaine : la ville grouille, vie, meurt en intervalles.

Par delà l’improbabilité de ce patchwork mouvant, cet “espace commun” nous propose de glisser dans un monde où les films seraient reliés, où chaque expérience visuelle trouverait sa continuité dans une autre à travers le lieu; où l’intimité du cadre est exhibé à la vue de tous.

Les bords du cadre sont-ils un obstacle à franchir ? Le court métrage attise le désir du hors-champ, de l’inconnu. Il redonne sa place essentielle au lieu, réinvente sa réalité. On devine la permanence des lignes et des mouvements au-delà du cadre, du cinéma. Les bruits célèbrent l’existence d’une vie à l’intérieur des films, toujours en co-existence avec l’extérieur.

Le film est donc un contrepied à la virtualité invasive de l’image ; à l’essor des effets spéciaux et de l’image numérique. Il protège un “espace commun” aux images, antérieur aux plateformes interconnectées de réalité virtuelle : la réalité ; celle qui lie les images, renferme un champ infini de possibilités, de détails, que ne peut définir aucun algorithme. L’espace commun réactive la mémoire des films oubliés, garde leur trésor. Il donne matière au temps fracturé.

Agathe Chevrier
Grand prix Lycée option cinéma
Élève de Terminale, Lycée Louis-Armand de Chambéry

 

Malanka de Pierre-Louis Léger et Pascal Messaoudi (2019, 14 min)

Tout est noir. On entend l'aboiement d'un chien et une cloche provenant du village. Un air étrange s'ajoute, créant une atmosphère mystérieuse et intrigante... 

Les Ukrainiens nous considèrent comme des Roumains et les Roumains comme des Russes.” À qui le village de Krasnoilsk appartient-il ? Les habitants ont changé plusieurs fois de nationalité. La seule chose qui n'a pas changé : Malanka. C'est ainsi que Paul-Louis Léger et Pascal Massaoudi nous présentent cette singulière fête païenne. 

Un premier très gros plan sur un visage nous intrigue : le contraste entre les yeux clairs et la peau curieusement maquillée de noir donne une identité presque animale à la personne. S'ensuivent des portraits déformés par le mouvement de la caméra, flous et mystérieux ; la confusion règne... Au fur et à mesure du documentaire, les choses s'éclaircissent. Le village et les habitants sont présentés par des plans d'abord fixes puis au ralenti : portraits intemporels comme Malanka.

Représenté avec de larges épaules, l'ours joue un rôle essentiel dans la fête qui se transmet de père en fils. Le poids très lourd du costume que les jeunes hommes doivent porter, est primordial : c'est comme une épreuve initiatique pour entrer dans l'âge d'homme. Les garçons s'affrontent mais cette violence est transcendée par l'art de la fête. 

Les costumes, les danses, les traditions... rien n'a changé afin de relier les villageois à leurs ancêtres. Malanka est comme une origine, un instinct, un besoin, une identité éternelle contre l'oppression des pays voisins.

Les images, belles, étranges, parfois inquiétantes, nous subjuguent tout en faisant comprendre le sens profond de cette fête.

Laura Hau
Grand prix Collège
Élève de 4e Collège Pierre Mendès-France de Riom

 

Mort aux codes de Léopold Legrand (2018, 14 min)

J’ai aimé ce court métrage réaliste où j’ai eu l’impression d’accompagner les urgentistes, sirène hurlante et rue défilant devant mes yeux. Je suis restée près d’eux grâce à la succession de plans rapprochés. Je les ai suivis, caméra à l’épaule. De dos j’ai ressenti leur précipitation. De face, j’ai partagé leur impuissance devant les obstacles qui les freinaient malgré l’urgence. J’ai entendu, comme eux, les seuls bruits de la rue, les discussions ou le chien qui aboyait, car il n’y avait pas de musique en fond sonore. J’ai admiré le professionnalisme du médecin qui rassurait et guidait la femme de la victime au téléphone, malgré sa fébrilité et la tension qui montait, poussant un urgentiste à briser une vitre pour entrer car personne ne voulait ouvrir à des inconnus.

J’ai aimé ce court métrage pour son cynisme et sa morale. D’abord je me suis dit : “Tous ces codes, c’est abuser !”. Puis je me suis très vite agacée : “l’homme est en train de mourir !”. Censés protéger des dangers extérieurs, les codes causent la mort d’une personne qui, pourtant, était consciente au début, j’en suis témoin ! Avec Léopold Legrand, je regrette “l’absurdité de ce “dit monde moderne” qui privilégie la sécurité au détriment de la liberté”. C’est ce que j’ai lu dans le désarroi de la femme que j’observais depuis le palier où m’avaient laissée les urgentistes, et dans le long fondu au noir marquant la mort du patient et ouvrant sur une nouvelle journée et sur nos héros pleins d’amertume.

Justine Gomez
Grand prix Lycée d'enseignement professionnel et agricole
Élève de 1ère au Lycée Germaine-Tillion de Thiers

 

Malanka de Pierre-Louis Léger et Pascal Messaoudi (2019, 14 min)

Tout d’abord vinrent les questionnements. Et puis un mot explose comme un millier de rires dans nos esprits. Malanka. Enfant chéri d’un peuple libre, il nous prend par la main et alors qu’il nous serre contre son cœur, on découvre enfin le parfum de nos joies. Malanka. Mère des indigents, elle guide le berger et son étoile au-delà des sombres méandres de la fin de l’an. Malanka. Sage au dos courbé, il narre le chant de l’ours, le chant d’une ethnie sans age ni nom.

Et pourtant, malgré les rires, malgré la joie, malgré les chants et les combats joyeux, une pointe de douleur nous envahit alors qu’est enfermé sur une simple toile monochrome le sublime éclat de ton histoire. Ni Gigi, l’aède contant ta vie, ni les Hommes, ni l’ours ne te délivreront de cette prison d’émerveillement. Et l’on entraperçoit, entre les plaines vallonnées et dansantes de ton montage, au détour de la singulière beauté de tes images, un portrait flou, une lointaine silhouette. Silhouette lointaine certes, mais silhouette unissant enfin une peuplade libérée de pays, silhouette dont l’éclatante éternité sublime de ses visages notre triste mortalité.

À chaque question, elle est la réponse, à chaque goutte de peine, elle est  larme de joie et à chaque flocon de  douleur, elle est éclat de douceur. Elle est le pont entre tout, passé et avenir, néant et trépas. Elle est Vie. Et c’est alors 14 minutes d’oubli , 14 minutes de vérité que Paul-Louis Léger et Pascal Messaoudi nous offrent généreusement avec un court-métrage qui prend vie peu à peu et qui se pare d’une substance unique : une communion parfaite entre humain et divin.

Inès Louvel
Grand prix Lycée d'enseignement général et technologique
Élève de 1ère au Lycée Fénélon de Clermont-Ferrand

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