En salles 29/08/2019

Se souvenir de Yannick Bellon : “Quelque part quelqu’un" réédité en salles

“Quelque part quelqu’un” est à voir cette semaine au cinéma en copie restaurée, trois mois après la disparition de sa réalisatrice Yannick Bellon.

Yannick Bellon s'est éteinte, à l'âge de 95 ans, à Paris le 2 juin de cette année et la réédition par Tamasa Distribution, en cette dernière semaine d'août, de son premier long métrage, Quelque part quelqu'un (1972), permet de lui rendre enfin l'hommage qu'elle mérite, ayant été au sein ddu Groupe des Trente (cf. Bref n°20, printemps 1994) l'une des premières grandes figures de femmes cinéastes dans la France de l'après-guerre, au même titre qu'Agnès Varda, elle aussi disparue cette année.

Goémons, réalisé en 1947, est ainsi un jalon de l'histoire de la production hexagonale du court métrage (voir notre liste des “100 courts métrages incontournables” dans Bref n°119, 2016), dressant un portrait au quotidien d'une petite communauté insulaire au large du Finistère, qui devait obtenir alors le Grand prix du documentaire à la Mostra de Venise. Plusieurs autres courts métrages avaient suivi au fil des années 1950, dont un Colette, avec la participation de l'intéressée, et Un matin comme les autres, où apparaissaient le couple Montand-Signoret, au côté de la sœur de la réalisatrice, Loleh Bellon, par ailleurs dramaturge et perpétuant elle aussi une tradition artistique familiale, leur mère Denise Bellon étant photographe et leur oncle n'étant autre que le fameux Brunius, acteur et cinéaste lié au groupe surréaliste. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Loleh Bellon, on la retrouvera justement dans l'un des principaux rôles de Quelque part quelqu'un, ce film que sa réalisatrice a eu tant de mal à monter, malgré la notoriété de son travail sur les formats courts et, dans les années 1960, à la télévision. Ayant pourtant obtenu l'Avance sur recettes, elle ne trouva pas de producteur et dut fonder sa propre société, les Films de l'Équinoxe, pour mettre sur les bons rails ce projet atypique, proche d'un registre de poème cinématographique et montrant un Paris en pleine mutation à l'aube des années 1970. Un Paris où, à la fin des Trente glorieuses, le Nouveau prend le pas sur l'Ancien, les immeubles traditionnels et populaires s'effaçant peu à peu devant les buildings d'un mode de vie post-moderne noyant les individus dans la foule et aliénant très prosaïquement les existences de chacun.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Raphaëlle, jouée par Loleh Bellon donc, est justement architecte, dépassée par ce qui se joue et perdant ses illusions de pouvoir œuvrer pour le bien commun, d'autant que son couple avec Vincent, écrivain s'embourbant dans l'alcoolisme (campé par Roland Dubillard, lui aussi dramaturge), bat sévèrement de l'aile. Autour d'eux gravitent d'autres figures d'un monde qui s'enlise, à la recherche de tendresse, de solidarité ou simplement d'humanité. Une composition aujourd'hui un peu oubliée de Georges Delerue donne une ampleur supplémentaire à l'essai, qui ne sortit en octobre 1972 que dans une salle unique, la légendaire Pagode, et dont le succès d'estime permit à son auteur d'enchaîner avec un deuxième long, La femme de Jean, qui connut meilleure fortune en 1974. Signalons que les deux films figurent dans un superbe coffret DVD édité par Doriane Films au début de cette année, réunissant 9 courts métrages et autant de longs (dont L'amour nu, Les enfant du désordre ou encore L'affût) de cette artiste engagée et d'évidence trop mal connue des dernières générations de cinéphiles.  

Christophe Chauville

Quelque part quelqu'un (1972, 98 minutes) est à voir à Paris au Reflet Médicis à partir de cette semaine.