En salles 31/01/2019

À nous deux, Paris ! (“L’amour debout”, de Michaël Dacheux)

Présenté par l’Acid à Cannes et au festival Entrevues de Belfort en 2018, “L’amour debout”, premier long métrage signé Michaël Dacheux, est un roman d’apprentissage séduisant et assez savoureusement référencé.

L’amour debout est, clairement, le film d’un amoureux du cinéma. Son réalisateur Michaël Dacheux confie pourtant s’être fait une culture cinématographique tardivement, dans un cadre scolaire et absolument pas buissonnier. Il avance aussi son penchant pour le cinéma français, et surtout la Nouvelle Vague, ses maîtres et ses émules. Son moyen métrage Sur le départ se plaçait d’ailleurs sous le double parrainage de Rohmer et de Demy, tandis qu’on entendait le regretté René Vautier assurer une voix off dans Commune présence, premier essai oscillant entre documentaire et séquences plus fictionnelles, à la lisière d'un cinéma artisanal, sinon amateur. Un positionnement que le réalisateur, qui aura finalement très peu tourné avant ce premier long (mais en assurant la supervision de nombreux ateliers de pratique), accepte et revendique même parfois, refusant tout naturalisme pour ces récits qu’il entreprend de nous soumettre.

Avec Sur le départ, il se livrait à un premier roman d’apprentissage (un registre qu’aborde à nouveau L’amour debout). Des chapitres entrecoupés d’ellipses suivaient alors le passage de ces cruciales jeunes années pour deux amis/amants désunis, de leur adolescence à leurs vingt-cinq ans, avec un détour vers la comédie musicale, le temps d’une scène d’intimité (volontairement mièvre et par conséquent pas la plus convaincante du film, il faut bien le reconnaître). Les personnages de ce film d'une cinquantaine de minutes se prénommaient Clarinette, Piano, Violon ou Basson, selon l’instrument dont chacun jouait à l’origine au sein d’une petite formation dont se dissociait l’un d’eux, quittant pour gagner Paris leur petite ville (Mont-de-Marsan, lieu de naissance du réalisateur et là où il grandit, dans un sentiment d’isolement avoué). Le même trajet, aussi géographiquement concret qu’initiatique, amène Martin, dans L’amour debout, vers la capitale, dans l’espoir de faire du cinéma et de tenter de retrouver Léa, avec qui il a vécu et qu’il a quittée. Martin et Léa – un tandem qui évoque naturellement le titre d’un film fort estimé d’Alain Cavalier – ont vingt-cinq ans, l’âge des deux garçons séparés à la fin de Sur le départ. Le passage du temps demeure une donnée fondamentale pour Michaël Dacheux, mais dénuée de mélancolie : certaines choses ne se produisent pas et il est ensuite simplement trop tard pour cela.

Ce premier long qui assume ses fragilités apparaît assez atypique dans le paysage du jeune cinéma français actuel, même si certains cousinages peuvent affleurer ci et là. Découvert au sein de la sélection cannoise de l’Acid l’année dernière, il déploie toute sa personnalité, parfois singulière, en inscrivant ses personnages dans une topographie urbaine souvent signifiante – Léa propose des visites guidées de quartiers parisiens finalement méconnus, comme La Villette ou les Batignolles –, tout en convoquant volontiers l’allégorie poétique pour peindre l’entrée dans l’âge adulte de ses personnages, dans leurs choix personnels, sentimentaux ou sexuels (voir les différentes suggestions du titre). On retrouve aussi dans le film François Lebrun dans son propre rôle, un critique des Inrocks, une séance à la Cinémathèque française et même un atelier de programmation en milieu scolaire : les cinéphiles apprécieront, mais pas qu’eux...

Christophe Chauville


Filmographie courts métrages de Michaël Dacheux

Commune présence (2008, 42 min)
Sur le départ (2001, 53 min)