Cahier critique 09/01/2019

“Mes copains” de Louis Garrel

Premier court métrage réalisé par Louis Garrel, dans lequel il réunit sa bande de copains.

Ici comme dans la vie, tout commence par une maman. Dans Mes copains, la mère de Sylvain lui demande un service : trahir son père. C’est la première galère que rencontre Sylvain. Ensuite, il y a les copains, les copines et surtout les étincelles qui crépitent entre eux. Louis Garrel crée une atmosphère intimiste, restant près de ses personnages en les cadrant serrés. Il n’hésite pas à couper les visages pour les malmener un peu, donner cette sensation d’étouffement que procure parfois la vie elle-même. 

Il éclaire ses comédiens d’une lumière naturelle qui permet de mieux s’immerger dans le réel. Un effet qui le rapproche de la Nouvelle Vague et de Godard en particulier, auquel il se rattache ouvertement par de brusques arrêts de la musique et le choix des couleurs primaires, les seules qui ressortent de la pénombre ambiante : un mur rouge, un pull jaune, un autre bleu... Tout le court métrage semble vouloir capturer un moment de la vie, comme elle vient. Le réalisateur attribue une place importante au vide, le cadre laisse parfois de la place pour que quelque chose advienne. Un personnage peut venir combler ce trou, ou pas. Le montage crée des temps longs, si bien que le film respire, se laisse aller, donnant naissance à une scène de danse impromptue ou un baiser volé. 

Le vide devient le pendant du silence, qui s’installe parfois pour mieux faire ressortir une réplique, faire sonner les mots. Le silence surligne aussi l’importance de la musique qui résonne alors fort et marque un moment précis, créant du relief, telle la musique qu’on se fredonne dans nos têtes pour se donner une contenance. Ainsi débarque Lolita sur un air endiablé pour faire chavirer les cœurs. Ainsi dansent Sylvain et Arthur dans la rue sur une musique qui les entraîne malgré tout dans son rythme pour notre bon plaisir. On ne s’esclaffe pas, mais on sourit devant l’ingénuité, juste avant d’angoisser devant ce père au chapeau découpé par un liseré de lumière. Parce que dans ce film comme dans la vie, on s’aime et puis non, on est heureux et puis non. On y réfléchira plus tard, pour le moment, on profite. 

Anne-Capucine Blot

Réalisation et scénario : Louis Garrel. Image : Léo Hinstin. Montage : Barbara Bascou et Anne Weil. Son : Luc Meilland et François Groult. Interprétation : Sylvain Creuzevault, Arthur Igual, Damien Mongin et Lolita Chammah. Production : Mezzanine Films.