En salles 05/02/2024

Elaha : une héroïne de notre temps

Présenté à la Berlinale l’an dernier et tout récemment à Premiers plans, à Angers, le premier long métrage de la réalisatrice kurde yazidie Milena Aboyan est à voir en salles cette semaine. Il brosse le portrait d’une jeune femme proche de se marier, dans l’Allemagne d’aujourd’hui, et n’ayant d’autre choix d’envisager une opération de reconstruction d’hymen.

C’est un premier long métrage enthousiasmant que distribue cette semaine le label nantais Wayna Pitch, qui tombe par ailleurs à pic en regard de la coloration du Festival du court métrage de Clermont-Ferrand 2024, qui fait la part belle aux réalisatrices européennes et aux personnages féminins insoumis tout à la fois.

Car la soumission, ou son contraire, est précisément au cœur d’Elaha, dont la jeune protagoniste éponyme, d’origine kurde et vivant en Allemagne, est piégée dans une situation périlleuse – hélas des plus banales : elle doit épouser un garçon de sa communauté, mais n’est pluss vierge, soit le comble du déshonneur pour sa famille si elle l’apprenait (sa mère en premier lieu, qui affirme préférer mourir dans un tel cas de figure). Pas d’autre choix pour Elaha, donc, que de garder le silence et envisager de reconstruire son hymen.

La symbolique est forte, bien sûr, mais Milena Aboyan échappe aux stéréotypes du “film à message” en scrutant l’évolution de la jeune femme, qui a des désirs qu’elle pourrait finir par assumer et qu’une prise de conscience amène à remettre en cause cet enjeu de la virginité, omniprésent dans la plupart des traditions et des croyances religieuses : pour qui faut-il forcément se plier à ce diktat ?

Le point de vue est courageux, d’autant qu’il est toujours complexe et nuancé, et la réalisatrice a trouvé en Bayan Layla une actrice assez prodigieuse pour jouer Elaha, entre réserve et sensualité, craintes de trahir son milieu et volonté de s’affranchir en tant qu’individu – que femme des années 2020 en Occident, tout simplement. Milena Aboyan, née en Arménie et d’origine kurde yézidie, est issue de la la Filmakademie Baden-Württemberg et avait signé le court métrage L’astuce de Gretel en 2018.

Christophe Chauville

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