Cahier critique 30/08/2022

“Fils du loup” de Lola Quivoron

Dans un ancien fort militaire, Johnny, un jeune garçon, apprend à dresser et à dominer Iron, son premier chien d’attaque.

On entre dans les films de Lola Quivoron par le son. Avant les vrombissements multiples et impressionnants des motos de Rodéo, dans lequel Julia, l’héroïne, infiltre le milieu clandestin du cross-bitume (premier long métrage sélectionné à Cannes 2022, à Un certain regard), ils résonnaient déjà dans Au loin, Baltimore, son court métrage vu en 2016 au Festival de Locarno, situé dans un milieu similaire. 

Dans Fils du loup, ce sont les aboiements brutaux d’Iron, un chien d’attaque aux canines apparentes, qui invitent le spectateur à entrer dans cette communauté masculine d’agents de sécurité en plein entraînement de leurs bêtes dans l’enceinte d’un fort militaire, au milieu d’un bois. C’est ici que Johnny, jeune homme timide (Émile Berling) va apprendre à dresser et dominer le chien de onze mois que son père lui a offert. Le commandement doit s’entendre par la voix, où l’ordre doit être répété, où la fermeté doit être douce. “On commande un chien, on ne lui gueule pas dessus !”, lui enseigne son “pater”. 

Dans la première partie du film, Lola Quivoron réussit à mettre en scène avec beaucoup de force une tension d’apprentissage entre un maître et son chien, en parallèle d’une transmission inquiétante où le danger est présent, en témoignent les morsures de celui qui joue le rôle du possible “malfaiteur”. Les recommandations sont précises, le ton est presque documentaire. Dans le dispositif que la réalisatrice met en place, le terrain du fort militaire ombragé, avec ses tunnels, ses bunkers émergents et ses salles désertées devient une véritable arène pour des chiens susceptibles de blesser grièvement, voire de tuer. Là aussi, c’est le son presque terrifiant à force d’être poussé au mixage, d’un avion décollant dans le ciel, qui accroît un sentiment très fort d’intranquillité. Et bien sûr, les fantômes des films d’Alain Jessua (Les chiens, 1979) ou de Samuel Fuller (Dressé pour tuer, 1982) ne sont pas loin dès qu’on associe la sécurité, l’homme et le canidé. 

Ici, la victime ne sera qu’un innocent lapin, victime expiatrice de cette charge de violence que Johnny va fuir, retrouvant la beauté d’un face-à-face doux entre un homme et son chien. C’est alors aussi notre regard qui s’apaise. Lola Quivoron, jeune cinéaste sortie de la Fémis il y a quelques années (Fils du loup fut son film de troisième année d’études), nous rappelle que le cinéma se construit aussi pour le spectateur de l’ouïe au regard. 

Bernard Payen 

France, 2015, 23 minutes.
­Réalisation : Lola Quivoron. Scénario : Lola Quivoron et Pauline Ouvrard. Image : Lucie Ternisien. Montage : Félix Rehm. Son : Lucas Doméjean, Saoussen Tatah et Antoine Bertucci.  Interprétation : Émile Berling, Stéphane Lannéval, Loïc Habert et Miglen Mirtchev. Production : La Fémis.