Extrait
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Les roses et les bleus

Claudia Lopez Lucia

2021 - 23 minutes

France - Documentaire

Production : Haïku Films

synopsis

Trois filles à crampons interrogent leurs préjugés et ceux de leur entourage sur la répartition des vertus féminines et masculines dans notre société. Au fil de leurs discussions de vestiaires, des entraînements et de leurs compromis entre coquetterie adolescente et genoux maculés de boue, ces ados proposent, sans théorie ni discours, une autre façon d’être fille.

Claudia Lopez Lucia

Claudia Lopez Lucia a étudié à l'ESEC et obtenu un Master 2 en scénario et écritures audiovisuelles à l'Université de Paris-Nanterre en 2018.

Elle a travaillé en régie sur des tournages, puis comme assistante à la réalisation sur de nombreux films, dont les courts métrages Un homme, mon fils et Beauty Boys de Florent Gouëlou, Dieu n'est plus médecin de Marion Le Corroller et Sur la touche de Kahina Ben Amar.

Elle signe en 2021 le court documentaire Les roses et les bleus, qui se voit notamment projeté au Festival d'Oberhausen, dans le cadre de la compétition enfance et jeunesse.

 

Critique

Des jeunes femmes jouent au rugby sur la plage. Ce n’est pas seulement le temps de l’amusement, ni de simples passes d’un ballon ovale ; autre chose se joue en creux, une lutte plus introspective.

Le sport au cinéma a ordinairement été une forme foncièrement cinégénique, mais ce genre a également été le prétexte à des réflexions plus sociétales (l’effervescence féministe de l’équipe féminine de l’Olympique Lyonnais dans le documentaire Les joueuses #pas là pour danser, de Stéphanie Gillard, ou encore la découverte des sexualités dans Naissance des pieuvres de Céline Sciamma via la natation synchronisée). Ce postulat des explorations intimes fonctionne à plein régime dans Les roses et les bleus.

Le rugby – ce sport du corps à corps, de la vélocité contrariée, des plaquages brutaux et des chasubles malmenées – est rarement affilié à l’imaginaire féminin. C’est pourtant dans ce vivier d’adolescentes que Claudia Lopez Lucia déplie son étude documentaire. Les maillots tachés de boue et les cheveux attachés, elles sont prêtes à en découdre. Mais ce n’est pas tant les matchs qui intéressent la réalisatrice que les temps morts, les à-côtés, les entraînements et le vestiaire. Sans faire dans l’ornementation, Les roses et les bleus peint les portraits en voix-off de trois jeunes femmes, Aïcha, Kimberlyn et Nell, et disserte sur les rapports au genre et à la féminité. La réalisatrice organise ainsi une pluralité des points de vue sur ces questionnements contemporains pour mieux y imbriquer de la nuance et démêler les doutes.

La blessure est inhérente à ce sport – on voit d’ailleurs les filles se mettre des pansements comme pour mieux se préparer aux futurs chocs. Les lésions sont physiques, mais pas seulement ; elles peuvent même se révéler plus profondes : on évoque les affres de la solitude ou les incompréhensions de la famille, du compagnon face à une activité jugée trop virilise. Claudia Lopez Lucia met alors en scène les commotions du cœur. Le rugby permet la mise en lumière sur soi. Elles peuvent ainsi notamment interroger leur orientation sexuelle, les entraves du poids de la religion et les émancipations possibles.

L’autre composition du travail serait de montrer plusieurs subjectivités : constituer une équipe (le propre des sports collectifs), un rugby qui ne “se conjugue qu’à la première personne du pluriel” comme on peut l’apercevoir dans un tag en arrière-plan. Puis l’image change de format lors de cette rencontre finale, dans une sorte de cinémascope, tel un western crépusculaire, pour parfaire sa mue et se mettre au diapason des enjeux du match, pour afficher toute l’étendue de son chaos, mais aussi de sa vivacité.

William Le Personnic

Réalisation et scénario : Claudia Lopez Lucia. Image : Marie Gramond et Claudia Lopez Lucia. Montage : Alexis Courtois et Sonia Franco. Son : Romain Supe, Philippe Deschamps et Olivier Goinard. Musique originale : Julie Roué. Production : Haïku Films.