Extrait
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L’âge tendre

Julien Gaspar-Oliveri

2020 - 27 minutes

France - Fiction

Production : Melocoton Films

synopsis

Diane, 16 ans, vit de façon exclusive dans les yeux de sa mère, Sophie. Leur fusion est de plus en plus encombrante pour l’adolescente. Au lycée, elle voudrait être aimée comme à la maison, et l’exprime de manière maladroite, comme lorsqu’elle échange une faveur contre un regard, dans les toilettes. Grande gueule, provocatrice et en quête d’attention, la jeune fille cherche à se démarquer de sa mère et souhaite, le temps d’un week-end, vivre comme une grande.

Julien Gaspar-Oliveri

Né à Cannes en 1985, Julien Gaspar-Oliveri se forme d'abord comme acteur au Conservatoire national supérieur d’Art dramatique de Paris. À sa sortie de l’école, il se consacre à ses propres mises en scène au théâtre, y jouant également, ainsi qu'à la télévision, avant de se tourner vers la réalisation avec un film court autoproduit : Loin de Benjamin en 2012.

Il signe plusieurs courts ou moyens métrages, dont Passe, interprété par Laure Calamy en 2013, et Villeperdue, d'une durée de 52 minutes et qui est distribué en salles en 2017.

L'âge tendre est nommé au César du meilleur court métrage de fiction en 2022, tandis que Marianne, avec Pauline Lorillard dans le rôle principal, est présenté la même année au Festival de Clermont-Ferrand et à Côté court, à Pantin. On le voit dans le même temps en tant que comédien dans L'attente d'Alice Douard.

Julien Gaspar-Oliveri est également enseignant au Cours Florent.

Critique

En plongée directe dans l’intimité, le film s’ouvre avec un gros plan sur son visage à elle : une quinzaine d’années, un regard magnétique. Elle est en pleine action, en train de masturber un camarade de lycée. Fascinée mais tranchante, elle lui lance d’une voix assurée malgré son timbre encore fluet : “Oh ! Tu me regardes ou j’arrête…”. Le titre apparaît, comme en dissonance : “L’âge tendre”. 

Dès la première scène, la trivialité se mêle à la candeur. Les sentiments s’entrechoquent. S’immisce d’abord une forme de malaise, comme une réminiscence amère du mépris de circonstance réservé au lycée pour les filles qu’on qualifiait de “faciles” - dans le meilleur des cas (sans que rien d’équivalent ne s’applique aux garçons qui en profitaient, soit dit en passant). Mais aussi un attachement, ou une envie potentiellement malsaine d’explication, psychologique ou sociale pourquoi pas, de ce qui l’aurait menée à ce désir-là, à risquer le déshonneur pour étancher sa soif d’être regardée. 

Rien de tout cela dans la suite du film. Ni parents maltraitants, ni misérabilisme. Une mère seule, certes, mais énergique, énervante et attendrissante comme on en connaît. Passé les premières minutes malaisantes dans les toilettes du lycée, et malgré un cadre serré, le champ s’élargit, et la juste distance de la mise en scène permet de suivre et s’attacher à Diane, incarnée par Noée Abita, grande gueule ou timide selon les situations, toujours énigmatique et troublante. Avec autant de pudeur que de délicatesse, l’image, les zones de flou, le montage, sont mis au service du questionnement des sentiments, dans une complexité toujours affinée. Le jeu d’actrices et d’acteurs n’en est que plus remarquable. 

Diane fascine par son côté insaisissable autant que familier. Qu’elle évolue dans le groupe, en duo avec son ami, ou avec sa mère, elle est touchante de solitude, emplie d’assurance face aux autres mais intimement assaillie de doutes. Elle traverse chaque scène, comme autant d’étapes-clés des passages obligés de l’adolescence (photo de classe / drague du beau gosse du coin / grosse fête chez soi en profitant d’un week-end d’absence de la mère), et pourrait sembler construite comme un archétype de jeune fille, mais se révèle d’une justesse déconcertante, toute en paradoxe et sensibilité. 

À l’opposé des clichés sur l’adolescence, et questionnant constamment les préjugés, Julien Gaspar Oliveri esquisse le portrait subtil et poignant d’une jeune femme, dans une période ou la puissance n’a d’égale que la fragilité. Cet “âge tendre”, capté avec une précision manifeste, s’offre ici résolument comme celui des premières fois, où les plus grands chamboulements intimes se produisent tout en se heurtant à une réalité de plus en plus vaste, de plus en plus loin du cocon, avec son lot d’émancipation, de désirs, d’espoirs, et de déceptions parfois. 

Marie-Anne Campos 

Réalisation : Julien Gaspar-Oliveri. Scénario : Julien Gaspar-Oliveri et Claudia Bottino. Image : Martin Rit. Montage : Baptiste Petit-Gats. Son : Colin Favre-Bulle et Simon Apostolou. Musique originale : Florent Cohen-Skalli et Benjamin Siksou. Interprétation : Noée Abita, Marie Denarnaud, Ilies Kadri et Félix Kysyl. Production : Melocoton Films.