Extrait
Partager sur facebook Partager sur twitter

Girls & the Party

Paloma López

2020 - 6 minutes

États-Unis - Fiction

Production : Natalie Herman

synopsis

Dans une petite salle de bain, un groupe d’amies se prépare avec effervescence pour une soirée d’été. Entre les discussions sur les garçons et le maquillage, Mercedes navigue dans son attirance naissante pour son amie Julia.

Paloma López

Née en 1995, Paloma López Arismendi est, sous le nom de Paloma López, une réalisatrice vénézuélienne basée entre Los Angeles et Paris.

Elle a fréquenter le Lycée français de Caracas, avant d'étudier au Savannah College of Art and Design et à l'Université de Californie (UCLA). Elle a réalisé polusieurs courts métrages entre 2017 et 2019, dont Singer, qui a bénéficié de la bourse “Ignite” pour les cinéastes émergents du Sundance Institute.

Réalisé en 2021, Girls & The Party a été sélectionné au BFI Future Film Festival à Londres et à Outfest, à L. A., où il a remporté l'un des prix principaux.

Paloma López développe actuellement son prochain court métrage, produit en France par Offshore, sur l’immigration et les grenouilles !

Critique

Il y a d’abord cette atmosphère qui nous accroche dès l’incipit. Paloma López ouvre son court métrage dans une chambre d’ado typique des années 1990, nimbée d’un éclairage rose-rouge, conférant au premier regard un aspect velouté, chaleureux. Les murs sont tapissés de couvertures de magazines ou de dessins croqués, de ces choses qu’on érige en souvenir d’un instant “t”, qu’on expose au-dessus du lit pour les immortaliser. Le lieu est personnalisé au possible, indéniablement habité, ça se sent, ça rassure. Et ce, davantage encore quand nous parvient cette sensation de temps suspendu. Dans les pulsations vibrantes de cet endroit, le temps a été figé. Qu’elle semble loin la vulnérabilité qui nous saisit la nuit dans la rue, qu’il semble loin le froid de l’hiver qui vient nous cueillir à l’extérieur. Nous sommes donc invités – il est vraiment question d’invitation – à partager la préparation à une soirée de quatre adolescentes. Simplement cela. Sans chercher plus. Tissé par une menue trame narrative, flirtant par moments avec le court métrage documentaire, Girls & the Party, contient cette force rare de réussir à captiver avec peu. C’est l’efficacité qui provoque la beauté, c’est la sobriété qui encourage l’émotion.

Une voix mélodique commence par résonner en off sur un écran noir puis Mercedes nous apparaît assise en tailleur sur le lit, habitée d’une énergie débordante, à fond dans son interprétation. Si les taquineries à son amie stoppent le refrain qu’elle s’apprêtait à entonner, ce dernier se reprend sans frémir dès le plan suivant. Cette fois Mercedes est accompagnée ; toutes chantent en cœur, intègres à elles-mêmes, agglutinées devant le miroir de cette petite salle de bain aux aspects plus kitsch encore que la chambre. Le choix d’ellipser l’image et non le son ouvre à une dimension temporelle étrange, impalpable. Comme un temps obligé de s’écouler mais qui reviendrait sur lui-même. Qui s’enroulerait, qui se considérerait en circulaire. Et, de la même manière qu’elle abolit toutes règles, la réalisatrice nous sort de notre statut de spectateurs pour nous insérer dans cette bande de filles. La caméra est proche des corps – le grain de l’image n’est pas sans rappeler celui de la peau – et accompagne les gestes, oscille entre chaque visage, souligne chaque regard. Puis elle s’aimante un peu plus longtemps à ceux que Mercedes pose sur Julia. Judicieux alors que d’utiliser le miroir comme deuxième surface de l’image : personnage à part entière, autant intégré à la scène que nous, il imprime davantage le reflet, fait remonter la présence et accuse les échanges de regards. Aussi discrets ou perdus soient-ils.

Il semblerait alors que la naissance du désir se niche là, dans le creux des coups d’œil et des silences que se partagent Mercedes et Julia. Ce qu’elles s’adressent sans rien se dire impacte plus encore que tous les potins/smalls talks, évoquant tel ou tel garçon, qui nous sont balancés. La forme du film répond au fond : quand le moment se doit d’être partagé que par elles-deux, les alentours s’estompent, les sons bourdonnants sont étouffés, remplacés par les notes envolées que laissent s’échapper les doigts pailletés de Mercedes. Le découpage, faussement amateur, conserve d’ailleurs dans sa rugosité une part de sensibilité et laisse infuser la sensualité. Mais cette parenthèse à l’intérieur de leur sphère intime se fait autant agréable que cruelle quand elle est subitement percée. Car Paloma López traite autant la question du plein que du vide. Celui que laisse Julia au cadre quand elle s’éclipse, celui que la présence d’une Mercedes abandonnée vient surligner. 

Dans cet espace travaillé par bribes, jouant sur quelques éléments significatifs des décors pour que le spectateur ne se focalise que sur les corps, l’air est chargé d’excitation, de désirs, de promesses. Comme son titre le suggère, Girls & the Party se conjugue au pur présent en liant les filles à cet après qui ne demande qu’à être vécu. Tout est encore à faire, tout peut encore arriver, c’est ce avec quoi riment ces fameux “before”. Le film nous remémore donc, avec une tendresse complice, ces soirées d’ado durant lesquelles le temps cessait de filer.

Lucile Gautier

Réalisation, scénario et montage : Paloma López. Image : Matthew Chuang. Son : Margot Padilla et Andres Velasquez. Musique originale : Gene Back. Interprétation : Maya Delmont, Amber Wynne-Jones, Arianna López et Nayara Alexis. Production : Natalie Herman.