Extrait
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Fuck les gars

Anthony Coveney

2018 - 8 minutes

Canada - Fiction

Production : Université du Québec à Montréal

synopsis

Tous les élèves de sixième retirent leur manteau de leur casier. Un papier circule discrètement entre les enfants, jusqu’à Anaïs. Elle l’ouvre et découvre qu’il s’agit d’un message de Laurier. Couteau dans le cœur, rage dans les yeux, elle se précipite sur lui et le gifle au visage. Le premier chagrin, ça frappe !

Anthony Coveney

Anthony Coveney est un jeune réalisateur canadien originaire de Longueuil, située à l'ouest immédiat de Montréal.

Il a étudié le cinéma à l’UQAM – soit l'Université du Québec à Montréal – entre 2016 et 2019, tournant de nombreux clips musicaux durant cette période. Il est aussi l’auteur de plusieurs courts métrages s'étant distingués sur le circuit des festivals, dont Fuck les gars (2018), Uzemi (2018) et Qui part à la chasse (2019).

En 2021, il signe un nouveau film court, Œil pour œil, et une websérie musicale : Plaisir coupant.

 

Critique

Il y a des jours comme ça, qui commencent mal et où tout s’enchaîne inexorablement, se répète ou s’amplifie. À tout âge, au Canada comme ailleurs, des jours où on se sent une parfaite illustration de la Loi de Murphy – ou plus précisément de la Loi de l’emmerdement maximal. C’est un jour comme ça pour Anaïs, collégienne de sixième pour qui, a priori, tout devrait bien se passer. Jolie, bien entourée, souriante, amoureuse, Anaïs a tout pour être la fille populaire à qui tout réussit.

Mais voilà, ce jour-là, l’amoureux décide de “casser”. Et il le lui fait savoir par deux mots griffonnés à la hâte et accompagnés maladroitement d’un pauvre smiley, sur un petit papier passé de main en main jusqu’à la sienne. Aussi blessée que rageuse, Anaïs se précipite sur lui et le gifle.

Le teenage movie acidulé vire à l’initiation féministe survoltée. Épaulée par son amie aussi atteinte qu’elle par la lâcheté masculine, Anaïs se rebelle. “Fuck les gars !” devient son mantra. Plus question de se laisser faire, par qui que ce soit. Et ils sont nombreux, les garçons et les hommes qui se permettent de lui faire des réflexions déplacées. La journée au collège devient un parcours d’émancipation semé d’embûches, avec d’inéluctables retours à la case départ : le bureau du proviseur, et ses inévitables sermons qu’Anthony Coveney a la délicatesse de nous laisser deviner.

Dans les couloirs, les salles de classe, à la cantine ou au gymnase, notre militante en herbe est sans cesse confrontée aux réflexions sexistes. De sa place d’élève de sixième qui amorce sa puberté, elle est une cible permanente aux injonctions masculines les plus ordinaires comme les plus déplacées, les plus risibles aussi. Des remarques qui s’enchaînent comme autant de clichés, malheureusement sévèrement persistants (une jeune fille doit être souriante et docile, ne pas “provoquer” le regard des hommes ou les distraire, et si elle commence à s’agacer, c’est parce qu’elle a ses règles…). Plus les remarques s’accumulent, plus Anaïs s’exaspère, plus elle s’impatiente, plus la colère monte et plus les filtres tombent.

Le montage cut, efficace, rend plus ridicules les remarques sexistes ordinaires, et encore plus inéluctable et absurde la “chute” d’Anaïs dans sa colère aussi légitime que démesurée. De cette farce comme une bascule éclair de l’enfance édulcorée vers l’adolescence révoltée, se dégage tout de même un beau moment de complicité avec un camarade de classe, un peu dépassé par la situation, mais qui pourrait devenir un allié.

Marie-Anne Campos

Réalisation : Anthony Coveney. Scénario : Marie-Andrée Brière et Anthony Coveney. Image : William Robitaille. Montage : Antoine Frenette. Son : Samuel Jodry-Larouche et Zoé Guèvremont. Interprétation : Emilie Bierre, Jean-Marc Dalphond et Martin Perizzolo. Production : Université du Québec à Montréal.