Extrait
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Avec amour

Christophe Régin

2012 - 30 minutes

France - Fiction

Production : 10:15 Productions !

synopsis

A bientôt trente ans, Lucie est à un tournant de sa vie. Alors que sa carrière d’actrice porno commence à décliner, elle voit décoller celle de son petit copain Franck, coureur automobile. Un jour, elle rencontre Patrick, un étrange employé d’animalerie...

Christophe Régin

Diplômé de la Fémis en 2005 (section production), Christophe Régin, né en 1976, réalise son premier court métrage, Adieu Molitor (2009), une fiction sur le monde du football. Le film reçoit le Prix qualité du CNC en 2011, et l'acteur Julien Lucas remporte le Prix d'interprétation au festival Premiers plans d'Angers, en 2010.

Le jeune réalisateur avait déjà travaillé sur le foot en collaborant avec Erwan Le Duc sur Le 12e homme, une mini-série diffusée sur le site du journal Le Monde durant la Coupe du monde de 2006.

Son deuxième court, Avec amour (2012), s'intéresse à une actrice pornographique à la carrière finissante qui rencontre un étrange employé d'animalerie. Il enchaîne deux ans après avec un autre court métrage : Bangkok United. On y suit Serge, fraîchement arrivé à Bangkok pour signer un ultime contrat. Le film obtient le Prix du jury au Festival La Lucarne en 2014.

Le premier long métrage de Christophe Régin, La surface de réparation (2017), fait à nouveau la part belle au football. Son personnage principal, incarné par Franck Gastambide, est cette fois un homme à tout faire employé par un club de province – qui s'occupe des joueurs officieusement et dont la rencontre d'une groupie bouleverse le quotidien. Le film a reçu le Valois du scénario au Festival d'Angoulême en 2017.

Il se tourne ensuite vers l'écriture de séries avec, en développement, Furtifs (en 2018-2019), Marche ou crève (2021-2022, à nouveau en collaboration avec Erwan Le Duc) et Tout va bien (pour Disney+, en 2022).

Un nouveau long pour le cinéma est en parallèle annoncé, en préparation chez Les Films de Pierre, intitulé Une femme à la frontière au moment de son obtention de l'aide au soutien à l'écriture du CNC, début 2019.

Critique

Avec amour présente en soi d’évidentes qualités, mais suscite davantage encore de fascination si on l’appréhende en reflet du premier film de Christophe Régin. Tandis qu’Adieu Molitor (2010, cf. Bref n°94) se concentrait sur un personnage masculin évoluant dans les coulisses d’un grand club de football, le nouvel opus du réalisateur met en scène l’envers d’un autre décor défini : le cinéma X. L’héroïne, Lucie, a grosso modo le même âge que le Michel d’Adieu Molitor, à savoir la trentaine. Lui avait dû renoncer à une carrière de joueur professionnel, elle voit sa trajectoire d’actrice porno décliner doucement mais sûrement. L’une des premières scènes du film la montre d’ailleurs sur un tournage, où elle n’a plus qu’un rôle secondaire : l’“action” se développe en dehors d’elle et, avec ses ailes d’ange, elle semble seulement chargée de veiller sur une nouvelle jeune vedette. Et une certaine et étonnante mélancolie se dégage assez vite de ce personnage, aussi fragile que ces étranges batraciens à la peau délicate dont elle s’entiche à la faveur d’un passage dans une animalerie. 

Pour arrondir son mois, Lucie s’adonne à ce qui est devenu un prolongement naturel pour les actrices de charme : faire des extras en tant qu’escort-girl. Un marché haut de gamme, lui précise une intermédiaire... Pourtant, le client rencontré la ramène à la vulgarité d’une telle transaction. Amateur de ses films, le businessman en maillot de foot veut surtout pouvoir se filmer en sa compagnie, grâce à son téléphone, ce qui lui importe visiblement davantage que l’acte sexuel lui-même. 

La narration croise la trajectoire de Lucie avec celle de son petit ami, Franck, prometteur champion automobile. Mais un nœud étrangle bientôt cette relation amoureuse : l’escorting apparaît aux yeux du jeune homme dans sa véritable nature, celle d’une forme de prostitution (à la différence, selon lui, du cinéma pornographique). Lucie, elle, ne veut surtout pas devenir dépendante des gains de son compagnon. La scène où elle lui lance, ivre, ne jamais l’avoir aimé, est d’une dérangeante âpreté, par le biais d’un plan-séquence paroxystique où la jeune comédienne Lily Bloom démontre une impressionnante intensité. Elle porte le film avec une ampleur comparable à celle que manifestait Julien Lucas dans Adieu Molitor. Bien diriger ses acteurs, c’est d’abord savoir bien les choisir... 

Christophe Chauville 

Article paru dans Bref n°106, 2013.

Réalisation et scénario : Christophe Régin. Image : Julien Poupard. Montage : Frédéric Baillehaiche. Son : Vincent Verdoux, Nicolas Mas et Gilles Bénardeau. Interprétation : Lily Bloom, Sylvain Dieuaide, Guillaume Verdier et Marc Berman. Production : 10:15 Productions !

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