News 20/05/2018

La Palme d’or du court métrage (et le reste de la sélection), de Cannes à Paris...

Le film court australien primé, "All These Creatures” de Charles Williams, celui qui a remporté la mention spéciale, “On the Border” du Chinois Wei Shunjun, et les six autres candidats en lice seront présentés à Paris mardi soir, le 22, au Cinéma du Panthéon.

Ce que l'on retiendra finalement avant tout du bref passage devant les caméras, lors de la cérémonie de clôture du 71e Festival de Cannes, du président du jury des courts métrages et de la Cinéfondation Bertrand Bonello, c'est d'avoir précisé que les délibérations auxquelles il venait de participer en compagnie d'Ariane Labed, Alanté Kavaïté, Valeska Grisebach et Khalil Joreige, ont été plus longues que la durée même des projections... De fait, les huits films présentés en “officelle” auront représenté 1h47 et la nature même de cette compétition, alors que vingt-et-un longs métrags étaient proposés de leur côté, pose sans doute à nouveau question – ne pourrait-elle vraiment pas se voir au moins doublée dans le nombre de films retenus ? Ensuite, la réflexion de Bonello laisse entendre que les différents jurés ont eu du mal à se mettre d'accord et il apparaît de fait assez nettement que si All These Creatures de Charles Williams (photo de bandeau) a été au final “palmé” et On the Border de Wei Shunjun cité en mention spéciale, sans doute d'autres auraient-ils pu l'être tout autant...

L'introduction/justification des prix évoque ainsi “deux films qui ont raconté quelque chose de l'état du monde sans aucun discours, uniquement du ressenti cinématogaphique ; deux films très affirmés et très personnels – et ce que nous cherchions” : sic, certes, mais on pouvait le dire de plusieurs films – et même aussi en général, en sortant d'une séance de compétititon internationale à Clermont-Ferrand ou ailleurs... Au sein de cette sélection-là, le japonais Duality (signé de cinq réalisateurs !), le très tendu américain Caroline, de Celine Held et Logan George, ou l'iranien Tariki de Saeed Jafarian (photo-ci-contre) répondaient eux aussi aux “critères” énoncés. Même Gabriel d'Oren Gerner, la production française sélectionnée, signée d'un cinéaste israélien et produit par Why Not, en la personne de Mélissa Malinbaum, présente plusieurs niveaux de lecture, à travers la disparition d'un adolescent dans une forêt et, durant la battue de recherches, la trajectoire personnelle d'un autre garçon, en solitaire et au fil de rencontres parfois inquiétantes, possiblement métaphoriques du fameux monde actuel...

Comme des échos existent naturellement d'un film à l'autre, Tariki est aussi marqué par une disparition et par une recherche, celle d'un homme par une femme avec qui il vient pourtant de passer un moment intime : celle-ci sort seule dans la nuit dans la ville déserte et une angoisse naît, surtout lorsqu'une espèce de grand méchant loup, inquiétant, se place sur la route de ce chaperon fragile, donnant au film une dimension de conte. Autre pont possible, l'enjeu narratif de Duality (photo ci-contre), à savoir la rencontre éventelle par un jeune garçon d'un père qu'il n'a jamais connu, au bout d'un voyage effectué avec sa mère et qui ressuscite bon nombre d'autres déplacements, à la fois géographiques et intérieurs, de la grande et belle tradition du cinéma nippon. 

Le héros de On the Border part lui aussi en quête du père, allant demander au sien de l'argent tandis qu'il vit en ville, loin de cette zone rurale initiale,  jouxtant la frontière coréenne, pour une errance propice à l'émerveillement et, là encore, dans une quiétude de surface où le bouillonnement des sentiments est enfoui en soi. Le contraste est saisissant avec l'électricité de Caroline (photo ci-dessous à droite), où une canicule estivale des plus éprouvantes achève d'exacerber toutes les angoisses, celle d'une jeune mère dépassée qui n'a pas pu trouver de baby-sitter pour ses kids en bas âge, micro-événement prenant vite une suite de répercussions allant jusqu'à la violence, ce qui n'est nullement anodin dans l'Amérique trumpienne sûre de ses pourtant contestables “valeurs”.

Mais si All These Creatures a finalement décroché son Graal, pour la cinquième réalisation du jeune réalisateur dans un format court, c'est sans doute – un peu paradoxalement – avant tut grâce à sa forme, volontiers éthérée, avec ce caractère singulier donnée par des images tournées en 16 mm, hé oui (Thierry Chèze l'a précisé en direct dans ses commentaires), et la fascination exercée par sa voix off délibérément omniprésente, relatant entre rêve et réalité des souvenirs familiaux dans un coin reculé d'une banlieue de Melbourne frappée par une étrange contagion (voir trailer ci-dessous). 

Tous ces titres, ainsi que l'animation polonaise assez sensuelle et élégante – dans un noir et blanc principalement en ligne claire – de Marta Pajek, III, et le film philippin Judgement de Raymund Ribay Gutierrez, axé autour du motif des violences conjugales, seront tous à découvrir lors d'une soirée parisienne, comme c'est désormais l'habitude, mardi 22 mai à partir de 20h, en présence de Bertrand Bonello, au Cinéma du Panthéon, 13 rue Victor-Cousin, dans le 5e arrondissement, pour un tarif unique de 5 euros, cocktail inclus.

Christophe Chauville