News 05/05/2020

Disparition : José María Riba (1952-2020)

La triste nouvelle est tombée de la récente disparition de José María Riba, critique de cinéma, sélectionneur de festivals et journaliste au sein du “service espagnol” de l’AFP (à partir de 1982), mais aussi membre du Prix Jean-Vigo et délégué général des Lumières de la presse à Paris. Ancien rédacteur en chef de “Bref”, Jacques Kermabon l’y côtoyait et lui rend un hommage auquel toute notre équipe joint ses plus amicales pensées.

La semaine dernière, j’avais laissé un message à José pour avoir de ses nouvelles. Je le savais au vert à la campagne. Il m’a répondu peu après par un SMS : “Hoooola Jacques ! Nous poursuivons notre vie de confinés first class, avec un seul couac : je suis sans voix, pas très pratique pour parler au téléphone ! Sinon, avec ces quelques jours du mois d’août que nous avons eu, nous nous serions crus sur la Rivieeeera ! Et vous, tout va bien ? (…) besos à toi et à la famille.” 

Deux jours avant sa mort, sollicité par une amie commune, pour un renseignement à propos d’un documentaire, José lui avait répondu par courriel, avec sa générosité habituelle, sans rien laisser paraître.

Hormis de rares moments où, au détour d’une formule, on croyait entendre furtivement la conscience qu’il avait de la gravité de sa maladie, José avait l’élégance d’euphémiser sa situation. Il était guéri, seul subsistait des problèmes de “tuyauterie” qui l’obligeaient à retourner régulièrement à l’hôpital. Si on s’inquiétait de sa maigreur, il répondait qu’effectivement, il n’avait pas assez repris de poids. On faisait semblant de le croire, parfois même on préférait le croire. Il était en tout cas une proie facile pour le Covid-19.

Je n’ai pas connu José au moment où il est devenu en 2000 le Délégué général de la Semaine de la critique. De loin, il m’avait frappé par son calme, le naturel avec lequel il présentait la sélection ou animait des rencontres. Tout semblait aller de soi, avec une tranquille simplicité. Là où il était, il semblait toujours à sa place, au service d’une action, jamais pour se mettre en avant.

Nous nous sommes mieux côtoyés et bien entendus quand nous nous sommes retrouvés jurés au Prix Jean-Vigo. J’ai ainsi accepté de le suivre quand il a voulu réunir quelques personnes pour animer le bureau de l’Académie des Lumières.

José aimait surtout contribuer à la création ou au développement de manifestations collectives. Il a, dit-on, tenu un rôle déterminant au Festival de San Sebastián. Je sais mieux, pour y être allé, combien il a compté pour le Festival de Morelia, tout comme pour la création d'Espagnolas en París

Certains l’ont décrit comme autoritaire voire parfois colérique. Je n’ai jamais été confronté à cette facette de son caractère si tant est que cela soit vrai. José n’avait aucun goût pour le pouvoir, se méfiait des velléitaires, des yakafaukon, il préférait agir et bien, mais à sa façon, fiable et rigoureuse, sans en faire des montagnes. Et pour cela, il s’entourait de ses proches – mes pensées vont à Eva et à Luna – et d’amis sûrs avec lesquels il serait plus agréable d’œuvrer dans la même direction. Si les choses prenaient un autre cours que celui qui lui apparaissait le plus pertinent, il n’avait pas de problème pour s’éclipser. C’est du moins ce qu’il laissait paraître.

J’appréciais beaucoup José et notre entente – si j’y pense aujourd’hui – devait tenir à ce que nous avions en commun certains traits de personnalités et d’autres qui nous faisaient complémentaires. 

Je serais incapable d’affronter, avec cette apparente sérénité, tous les détails et les incertitudes liés à la préparation d’une cérémonie comme celle des Lumières. José avait aussi une patience que je n’ai pas pour discuter avec tel ou tel, afin de dissiper des malentendus ou d’agréger des forces à son point de vue.

Le confinement ajoute de la peine à la peine. En temps normal, il y aurait eu énormément de monde à son enterrement.

Un hommage lui sera rendu quand les circonstances le permettront. 

En attendant, je me remémore nos rires, nos complicités, tous les bons moments passés avec José, même s’il est impossible de ne pas regretter tous ceux que nous aurions dû encore avoir ensemble.

Jacques Kermabon

Portrait : © Vincent Mottez (remerciements à Isabelle Buron).
Photo de bandeau : La Llorona de Jayro Bustamante, cinéaste dont le premier long métrage, Ixcanul, a été fermement soutenu dans sa diffusion par José María Riba.