Livres et revues 22/11/2018

L’écran noir de ses nuits blanches

Avec “Écran noir”, le dernier livre de Noël Balen, l’auteur de “L’odyssée du jazz” met à nouveau cette forme musicale à l’honneur, dans un livre qui mêle musique et cinéma.

L'histoire est simple : un producteur s'associe à l'agent d'une célèbre chanteuse de jazz, Loretta McCullers, pour commander à un scénariste un film sur la vie de la star. C'est l'écrivain qui prend en charge la narration, s'adressant au lecteur à la première personne. Il se rend vite compte que son point de vue diffère de celui des producteurs, mais il joue le jeu le plus longtemps possible – il faut bien gagner sa vie ! Nous sommes alors plongés dans ses tribulations et interrogations. Nous suivons sa vie uniquement à travers l'écriture du scénario et ses difficultés. Nous retrouvons avec lui les délices du jazz, qui semblent dicter le rythme du livre. Le narrateur adopte en effet un ton entraînant qui nous invite dans son intimité et la folie de ses séances cinématographiques infinies, mêlées d'écoute de disques en boucle (à en lasser quelque peu sa femme...).

Ici, ni la musique ni le cinéma sont privilégiés, ils sont au contraire tout deux jugés avec une égale sévérité par le scénariste, qui n'hésite pas à dire ce qu'il pense des œuvres. Toutes les références artistiques ancrent encore davantage l'histoire dans le réel et le lecteur peut se faire une image précise des films que le scénariste visionne, mais aussi des scènes mêmes du livre. Certains tableaux décrits se déroulent sous nos yeux comme une pellicule et la cadence des phrases qui s'enchaînent permet à notre cerveau d'imaginer certaines séquences. Les personnages, surtout, sont hauts en couleurs. On se représente très bien les trois lascars et on a même l'impression de les avoir déjà rencontrés. 

Malgré ses effets de réalisme saisissant, ce petit livre est une fiction. On va même jusqu'à préciser que toute ressemblance avec des personnes du réel est fortuite. Cependant, les producteurs et le réalisateur ont une telle consistance qu'on ne peut s'empêcher de se demander, tout au long de la lecture, si l'auteur ne s'est pas au moins inspiré de personnages réels. Mais après tout peu importe : fiction ou réalité, ce court roman vaut d'être lu, ne serait-ce que pour découvrir des titres de films et de disques qu'on écoute juste après la dernière page, histoire de prolonger le plaisir.

Anne-Capucine Blot


Écran noir
de Noël Balen, Marest éditeur, 144 pages, 9 euros.
Disponible depuis le 18 octobre 2018.