Festivals 23/05/2019

Vu à Cannes : “Lux Aeterna”, le dernier moyen métrage de Gaspar Noé

Présenté à Cannes dans le cadre d’une séance de minuit de la sélection officielle, le nouveau film de Gaspar Noé est un moyen métrage. Nous ne pouvions donc qu’y envoyer l’un de nos rédacteurs... Même pour une impression au final mitigée.

Lux Æterna débute par une citation de Dostoïevski et des images de bûcher du film de Carl Theodor Dreyer Jour de colère (1943). Le ton est solennel. Heureusement, Lux Æterna emprunte une voie plus espiègle. Face caméra et en split-screen, Béatrice (Dalle) et Charlotte (Gainsbourg) échangent des propos cocasses sur leur expérience d'actrice et sur le monde (notamment des anecdotes sur les rapports hommes/femmes). Gaguesque, le film de Gaspar Noé nous plonge dans le chaos d'un plateau de cinéma, tel celui de La nuit américaine de François Truffaut, son foisonnement tourbillonnant et ses débordements impromptus.

Produit par le groupe Yves Saint-Laurent et présenté en séance de minuit hors compétition (tout comme Love en 2015), ce Lux Æterna est un petit condensé de l'œuvre de Noé : lumière baroque, plan-séquence harassant, atmosphère sordide et confusion du groupe.

La structure narrative fonctionne sur une mise en abyme : Béatrice Dalle réalise un film de sorcière gothique à l’ésotérisme brûlant. On pense alors au film de Marco Bellochio : La sorcière (1988). Celle-ci se retrouve plus ou moins évincée de son propre tournage par son équipe, non pas sans humour. D'ailleurs le moyen métrage est un objet clinquant qui agit par touches ironiques (on peut entendre la fameuse musique du “Carnaval des animaux” de Camille Saint-Saëns – thème du festival – ou encore, au détour d'un dialogue, “Tu te crois au festival de Cannes ?”). Si le film joue avec les festivaliers, il s'enlise néanmoins vers une trajectoire poseuse.

Le projet de Noé est d'élever la mise en scène au rang d'art, comme nous l'assènent des citations de grands cinéastes parsemant l'écran (Godard, Fassbinder). Le réalisateur franco-argentin est à la recherche de la transe visuelle, d'un absolu (l'épileptie comme sentiment salvateur, à l'image du générique assommant d'Enter the Void). La réalisation est dans un premier temps étonnante (voir la multiplication des points de vue), mais finit par s'articuler autour de détails futiles.

Les longues dernières minutes de Lux Æterna ne sont qu'un long effet stroboscopique, mouvement expérimental radical à la fois pénible, outrancier et hallucinant. On apprécie malgré tout ce geste dans la mesure où le projet a la bonne idée de ne faire que 51 minutes.

William Le Personnic

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