En salles 15/03/2019

“Meltem” : voyage en mer Égée

Sorti en salles cette semaine, “Meltem” est le premier long métrage de Basile Doganis, dont un moyen métrage documentaire est parallèlement présenté au Cinéma du Réel, à Paris, et dont nous proposons en ligne, à l’attention de nos abonnés, le court métrage “Journée d’appel”.

Les questions d’identité, de citoyenneté et de la place sociale à trouver pour les jeunes générations issues de l’immigration se trouvent au cœur du cinéma de Basile Doganis, lui-même de double nationalité franco-grecque. Cette évidence est éclatante, du Gardien de son frère à Meltem, en passant par Journée d’appel, un triptyque marqué par une belle énergie dans la manière de filmer et par un humour permanent, parfois assez irrésistible, notamment à travers certaines “punchlines” de Journée d’appel. Deux des jeunes acteurs de celui-ci, Rabah Naït Oufella et Lamine Cissokho, reviennent en tête d’affiche de Meltem et y composent un duo de comédie aux accents classiques, aux côtés de l’épatante révélation du Djam de Tony Gatlif, Daphné Patakia. Cette dernière incarne Elena, une jeune Française d’origine grecque ayant coupé net tout lien avec ses origines et rejoignant l’île de Lesbos pour vendre la maison de sa mère décédée.

La manière dont le réalisateur amène ce beau personnage à se réconcilier avec la terre de ses aïeuls et son histoire, quoiqu’Elena en dise, trouve le bon tempo et questionne en écho le ressenti de Nassim et Sekou, les deux potes accompagnateurs déplacés de leur cité bétonnée aux plages méditerranéennes. Ce décalage est parfois drôle (on repense aux débuts de Djamel Bensalah) et souvent percutant dans ce qu’il médiatise, comme le rapport à la Nation dans Journée d’appel, face aux grands symboles de l’armée, la police ou l’histoire de France, dans le cadre du château de Versailles, image d’une grandeur ancienne définitivement révolue.

La mixité sociale, motif périlleux à explorer s’il en est, était aussi interrogée, poursuivant le sillon creusé dès un premier court métrage, où un jeune des quartiers devenu gardien d’immeuble à Paris et en couple avec une “non banlieusarde” se voyait traiter de “négro de service” par une bande de lascars en un instant de crispation. Meltem ajoute à ce tableau de notre temps la thématique des migrants, à travers le personnage d’un jeune Syrien attirant l’attention d’Elena. Le film évolue alors vers une autre dimension, plus grave et politique, ce qui n’est pas si fréquent dans les projets se présentant avant tout comme des comédies, surtout en France. L’hybridation revendiquée des genres franchit, elle aussi haut la main, ce passage du court au long.

Christophe Chauville


Filmographie courts métrages de Basile Doganis
Le gardien de son frère
(2012, 20 minutes)
Journée d'appel (2014, 21 minutes)
Altérations / Kô Murobushi (2018, documentaire, 49 minutes)