En salles 03/02/2019

La présence magnétique d’Alba

À l’affiche cette semaine de “The Place”, film choral assez énigmatique signé Paolo Genovese, l’actrice italienne Alba Rohrwacher occupe l’écran de plus en plus fréquemment depuis une quinzaine d’années.

Elle ne correspond pas exactement à l’idée que l’on peut se faire d’emblée de l’actrice italienne et s’avance ainsi à contrecourant de tous les clichés : blonde ou rousse ; peau pâle, sinon diaphane ; silhouette gracile, voire fragile. Et un patronyme aux sonorités germaniques – celui de son père, un violoniste allemand devenu... apiculteur en Ombrie !

Alba Rohrwacher, née en février 1979 à Florence, n’en est pas moins devenue l’une des figures majeures du cinéma transalpin des années 2010. Dans The Place, de Paolo Genovese (photo de bandeau), elle incarne Chiara, une jeune religieuse en plein doute et qu’un individu mystérieux qu’elle consulte dans un café (joué par l’excellent Valerio Mastandrea, trop peu reconnu chez nous) l’engage à tomber enceinte afin de retrouver Dieu... Une bizarrerie de plus dans une carrière où la comédienne aura visité régulièrement des registres borderline ou de fragilité pouvant conduire au-delà des limites de la raison. Récemment, elle entendait la voix de la Madone, au moment de travailler comme géomètre sur un chantier immobilier, dans Troppa Grazia, de Gianni Zanasi (photo ci-contre), sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs en 2018. Et elle illuminait également Heureux comme Lazzaro, primé à Cannes la même année (du prix du scénario) et signé de sa sœur Alice, sa cadette d'un an et demi avec qui elle avait déjà collaboré sur Les merveilles en 2014.

Alba Rohrwacher aura aussi, ces dernières années, franchi les Alpes pour travailler avec des réalisateurs français –  Arnaud Desplechin, Nicolas Saada, Thomas Kruithof, Renaud Fély et Arnaud Louvet – et ce qu’on sait trop peu la concernant, c’est qu’elle a en outre régulièrement visité le format court, principalement à ses débuts, évidemment (voir The Screen de Valerio Rocco Orlando en 2004 – photo ci-contre – ou Fara bene mikles de Christian Angeli, en 2005). Et c’est ainsi qu’elle a croisé à l’écran Louis Garrel (Diarchia, de Fernandino Cito Filomarino, 2010) ou qu’elle a continué de travailler avec Luca Guadagnino (à travers Part deux, 2007, et un projet de moyen métrage, encore sans titre, prévu pour 2019). Et en 2013, Con il fiato sospeso, de la Sicilienne Costanza Quatriglio, remportait le Prix Pontecorvo à Venise, là-même où sa comédienne, Alba Rohrwacher donc, recevait l’année suivante le Prix d’interprétation féminine pour Hungry Hearts, de Saverio Costanzo.

Du court au long, en Italie et ailleurs, la présence d’Alba Rohrwacher s’enracine en tout cas, l’air de rien, dans l’imaginaire des cinéphiles, suivant une tradition d’actrices volontiers “cérébrales” et vibrantes comme Monica Vitti ou Margherita Buy, de prestigieuses aînées dans le sillage desquelles elle semble s’engager toujours plus. The Place, quoiqu’on puisse penser de ce film s'appuyant sur un scénario assez mécanique, l’illustre à nouveau.

Christophe Chauville