En salles 29/04/2019

“Jessica Forever”, premier long métrage de Caroline Poggi et Jonathan Vinel

Au cinéma le 1er mai, “Jessica Forever” va permettre aux aficionados du jeune duo de réalisateurs de retrouver la singularité de leur univers et leur permettre de trouver une nouvelle audience. Et trois de leurs courts métrages seront pour l’occasion proposés sur Brefcinema.

Présenté à Toronto en 2018 et à Berlin en février dernier, Jessica Forever parvient enfin jusqu’aux salles obscures et couronne un parcours des plus cohérents de la part de ce couple de réalisateurs s’étant toujours tenu en marge des sentiers battus – naturalistes, surtout – du jeune cinéma français.

Dès le début de la décennie écoulée, chacun démontrait sa singularité, Vinel avec Play et Poggi avec Chiens, réalisé grâce au Grec et faisant une économie totale de dialogues. Ensemble, ces deux-là frappaient un grand coup à travers Tant qu’il nous reste des fusils à pompe, Ours d’or du court métrage à la Berlinale en 2014 et qui posait un style et une palette de thématiques s’épanouissant avec Jessica Forever. Les liens d’un film à l’autre sont multiples, du motif collectif de la bande de jeunes combattant en tenue (entre paramilitaire et heroic fantasy) dans des lotissements résidentiels proprets et sans âmes jusqu’à un romantisme parfois volontairement fleur bleue, qu’on a pu retrouver – paradoxalement – dans Notre héritage, inscrit dans un contexte très sexué, le héros du film étant le fils d’un célèbre pornographe réalisant des castings X en Europe de l’Est.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Il y a un désespoir latent dans la façon qu’a le duo de filmer ces jeunes gens, comme dans After School… et aujourd’hui dans Jessica Forever, où la mort rôde, surgissant quand on ne s’y attend plus, comme dans un jeu vidéo. Cette esthétique marque d’ailleurs profondément ce cinéma, celui d’une génération submergée d’images, de violence notamment, mais qui continue de faire vivre une lueur d’espoir. Souvent, une voix off volontiers monocorde relate l’aventure de ces jeunes héros au destin funeste, celle de Martin pleure trouvant écho dans celle de Jessica Forever. Loin du réalisme social, souvent confortable, les films de Poggi et Vinel tentent de donner à sentir, plus qu’à voir, une époque dérégulée, en recourant à des éléments hybrides, fantastiques ou purement plastiques. En cela, leur inspiration est authentiquement liée au XXIe siècle, farouchement débarrassée des oripeaux du précédent et représentative de ces jeunes gens nés et grandis avec internet et le numérique, après la fin des idéologies.

Christophe Chauville

Filmographie courts métrages de Caroline Poggi et Jonathan Vinel 

We (Jonathan Vinel et Benjamin Hameury, 2010, 7 min)
Play (Jonathan Vinel seul, 2011, 10 min)
Prince, puissance, souvenirs (Jonathan Vinel seul, 2012, 10 min)
A. B. (Jonathan Vinel seul, 2012, 4 min)
Chiens (Caroline Poggi seule, 2012, 35 min)
Tant qu'il nous reste des fusils à pompe (2014, 30 min)
Notre amour est assez puissant (Jonathan Vinel seul, 2014, 10 min)
Martin pleure (Jonathan Vinel seul, 2015, 16 min)
Notre héritage (2015, 24 min)
Toys on Fire (Caroline Poggi seule, 2016, 1 min)
After School Knife Fight (2017, 21 min)

Photos : © Ecce Films.

 

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