En salles 06/11/2019

“J’ai perdu mon corps” : Jérémy Clapin du court au long

Découvert cette année à la Semaine de la critique, à Cannes, avant de se voir récompensé du Cristal du long métrage au dernier Festival d’Annecy, le premier long métrage de Jérémy Clapin, produit par Xilam Animation, sort le 6 novembre.

J’ai perdu mon corps a commencé sa carrière en grande pompe au dernier Festival de Cannes, où il était présenté au sein de la sélection de la Semaine de la critique, juste avant d’obtenir, en plus du Prix du public, le Cristal du Festival du film d’animation d’Annecy, récompense prestigieuse s’il en est. Pour son premier long métrage, Jérémy Clapin réussit donc un coup de maître et nul n’en sera étonné en connaissant le travail de cet ancien de l’Ensad depuis Une histoire vertébrale, en 2004. L’essai avait été confirmé avec le succès de Skizhein quatre ans plus tard et si Palmipedarium est passé plus inaperçu depuis, sans doute entravé par une noirceur plus délibérément infléchie, il s’inscrit dans une véritable œuvre d’auteur. Ce qui est remarquable, car le style, le graphisme et même les techniques diffèrent sensiblement d’un film à l’autre, même si le dessin relie Une histoire vertébrale et J’ai perdu mon corps. Le motif de la quête, aussi, est prégnant dans les deux cas. Dans le premier, un individu dont l’épine dorsale en forme d’angle droit, et qui ne voit donc que ses pieds en marchant, cherche l’âme sœur, ce qui n’est pas gagné d’avance…

 

 

 

 

 

 

 

 

Il manque aussi quelque chose à la protagoniste de J’ai perdu mon corps, qui n’est autre qu’une main tranchée par une scie circulaire et bien décidée à retrouver son propriétaire. Et le montage du récit en flashbacks nous dévoile lui aussi l’ombre d’une histoire d’amour espérée. Ces anatomiques anomalies trouvent un reflet en décalage, c’est le cas de le dire, dans Skizhein, dont le héros aspire pour sa part à retrouver la position qu’il occupait dans l’espace avant d’être percuté par une météorite, ce qui l’a éloigné et coupé du monde et du quotidien. Le jeu avec les symboles, parfois avec les codes (ceux de la “romcom” américaine dans Une histoire vertébrale), amène Jérémy Clapin à développer une œuvre animée à tiroirs – la dimension “psy” de Skizhein est affirmée d’emblée – et susceptible de s’adresser à divers publics, jeunes comme adultes. On ne saurait passer sous silence la facture visuelle de J’ai perdu mon corps, impeccable et aussi tonique que sa narration, même si la 3D de Skizhein, mystérieuse et comme ouatée, semble inégalable dans la fascination qu’elle instille toujours, dix ans après la confection du film. Quoiqu’il en soit, le prochain César du film d’animation n’est sans doute pas loin pour le cinéaste, le pari est lancé.

Christophe Chauville

 

 

Filmographie courts métrages de Jérémy Clapin

Une histoire vertébrale (2004, 9 minutes)
Skizhein (2008, 13 minutes)
Palmipedarium (2012, 10 minutes)

 

 

 


À voir :

- Un entretien vidéo avec Jérémy Clapin au sujet de Skizhein.

À lire aussi :

- J'ai perdu mon corps doublement primé à Annecy.