DVD 16/01/2019

Sans pitié ni regret : “Mademoiselle de Joncquières” en DVD

Le dernier film d’Emmanuel Mouret, “Mademoiselle de Joncquières”, sort en DVD. L’occasion, non seulement de voir ou revoir ce beau film de l’année dernière, mais aussi un court métrage récent du réalisateur rappelant ses influences rohmériennes : “Aucun regret”.

Comme l’avait fait Robert Bresson avec Les dames du bois de Boulogne (1945), Emmanuel Mouret adapte dans Mademoiselle de Joncquières un court récit se rapportant à “Jacques le fataliste et son maître” dans le livre éponyme de Diderot, à propos de la vengeance malheureuse de Madame de la Pommeraye sur le Marquis des Arcis.

Après Caprice (2015), comédie légère et enjouée, ou encore Une autre vie (2013), d’un registre plus dramatique, on retrouve dans le film les chassés-croisés amoureux chers au réalisateur, ici proches de ceux des Liaisons dangereuses, mais racontant les relations humaines d’une façon bien plus tendre, nuancée. Le marquis, véritable Don Juan, n’a pas la cruauté libertine dont on aurait l’image aujourd’hui et, joué par Édouard Baer, il possède une vulnérabilité émouvante. La vengeance de Madame de la Pommeraye pourtant des plus violentes, s’achève par un regard néanmoins des plus malheureux de son interprète Cécile de France, isolée par son machiavélisme, soit-disant destiné à sauver la dignité féminine, mais qui n’a fait du mal qu’à elle-même.

À travers cette histoire, on retrouve le rapport homme-femme typique à Mouret. Dans ses courts comme Il n’y a pas de mal (1996) ou encore Caresse (1998) (à voir le focus qui lui est touours consacré sur Brefcinéma en ce moment), l’homme, que Mouret interprète lui-même, est crédule, propre à se faire prendre au jeu, se soumettant souvent aux envies, aux plans de la femme indépendante, qui a besoin de lui, oui, mais pas pour trop longtemps.  Et cette fois, c’est l’homme qui reste seul, et cette solitude finale donne un pincement au cœur.

Dans Aucun regret (2015, photo ci-contre), qui figure dans les bonus du DVD avec quelques scènes coupées au montage, le rapport est inversé. Après un début qui n’est pas sans rappeler le court métrage d’Éric Rohmer Nadja à Paris (1964), où, là aussi, la voix off guide le film, c’est un personnage féminin, Aurélie, qui voit ses espoirs déçus, quand le garçon qui lui plaît ne donne soudain plus aucune nouvelle. Pourtant, la solitude est moins présente que lorsque c’est l’homme qui est victime de l’abandon. Aurélie se relève, continue son quotidien et achève le film par cette pensée, après s’être inquiétée de se tromper de direction dans sa vie : “Ce n’est pas la direction qui compte, mais de vivre pleinement tous les détours qui se présentent à nous.” 

Un joli court atemporel de Mouret, offrant un contraste formel plaisant avec Mademoiselle de Joncquières et un “détour” bénéfique vers d’autres pans de son œuvre. 

Léocadie Handke



Mademoiselle de Joncquières 
d'Emmanuel Mouret, DVD, France Télévisions Distribution, 16,99 euros.
Disponible à partir du 16 janvier 2019.