DVD 04/03/2020

Quarxx en courts et en long

Un superbe coffret DVD est sorti récemment, comprenant “Tous les dieux du ciel”, de Quarxx, cet ovni dans le paysage du cinéma français contemporain, mais aussi, entre autres, le moyen métrage qu’il avait directement développé : “Un ciel bleu presque parfait”.

Notre dernier numéro de Bref, le 125, comprend un dossier sur les courts métrages devenant des longs et un court entretien avec Quarxx, qui connut ce passage d'un format à l'autre l'an dernier. Tous les dieux du ciel sortit en effet au cinéma au début du mois de mai et faisait suite à Un ciel bleu presque parfait, gros succès en festivals (voir l'article publié alors sur notre site).

Aujourd'hui, c'est une magnifique édition DVD que l'éditeur indépendant Extralucid a concoctée autour de cette œuvre inclassable et puissante, avec une kyrielle de suppléments parrticulièrement soignés : making of, entretiens avec le réalisateur et son responsable des effets spéciaux/maquillage, commentaire audio, etc. Un livret de 28 pages est aussi inclus et trois courts métrages de Quarxx permettent de mieux appréhender son univers, parmi lesquels Nuit noire et le fameux Un ciel bleu presque parfait, qui avait en son temps notamment remporté le Grand prix du festival Court métrange de Rennes, avant d'être présenté à Clermont-Ferrand.

Nous annoncions dans Bref n°125 une version rallongée de l'entretien réalisé avec Quarxx, l'occasion est donc venue de la publier sans plus attendre…

Comment s’est articulée la genèse de ces deux films successifs : le moyen et le long métrage ?

L’idée initiale m’était venue en 2012 ou 2013, alors que je travaillais sur l’île de la Réunion à un projet photographique dont le sujet était lié au thème de la mort en général. Par conséquent, j’avais eu accès à une morgue pour pouvoir faire des photos de cadavres lors de leur autopsie, ce qui est assez compliqué à obtenir, mais on avait pu avoir les autorisations nécessaires pour le faire. Et pour moi, c’était finalement une première confrontation à des cadavres et la médecin-légiste, qui s’apprêtait à faire l’autopsie d’une jeune femme d’une trentaine d’année, m’a raconté son histoire, qui était assez incroyable : les autorités en avaient retrouvé le corps chez son frère, elle était morte depuis plus de trois mois et lui n’acceptait pas ce décès, continuant à vivre avec elle comme si de rien n’était, en lui faisant prendre son bain, regarder la télé avec lui, etc. Je me suis dit que ce devait être le point de départ du film, que j’allais réinventer l’histoire de ce corps qui était en face de moi et dont je ne savais absolument rien, outre ces prémisses. Je ne suis donc pas parti d’une réalité factuelle, mais j’en ai tiré ce que j’imaginais avoir été ce huis-clos entre ce frère et sa sœur. De là est né un premier scénario, qui correspondait sur le papier à un long métrage, en 70 ou 80 pages…

Quel avait été en amont votre parcours de réalisateur ?

À l’époque, j’avais fait beaucoup de courts métrages avant tout pour le plaisir, sans aucune contingence de qualité ou de diffusion. Certains étaient des autoproductions et plusieurs étaient passés au festival Mauvais genres, à Tours. Ils tournaient aussi pas mal à l’international ; on a gagné le Prix du meilleur film et celui du meilleur réalisateur à Los Angeles, avec Nuit noire, et ça a été un tournant : j’ai commencé à envisager de me professionnaliser et à faire de vrais bons films !

Je suis parti sur cette idée et me suis alors retrouvé à essayer de faire produire ce scénario de long. Ça s’est révélé totalement impossible, mais j’étais persuadé d’avoir en main une histoire qui tenait vraiment la route et je ne voulais pas lâcher l’affaire. Je voulais à tout prix que ce film existe et j’ai donc tiré le cœur du film, le plus sombre finalement, pour faire un court, à moitié auto produit : Un ciel bleu presque parfait. On n’avait que 50 000 euros et ça a été d’une extrême complexité. Mais on l’a fait et les choses sont ensuite allées très vite. Je ne m’attendais pas du tout à un tel succès – je crois qu’on a fait plus de 170 festivals, avec beaucoup de prix et des sélections de prestige à Sundance, Fantasia, Gérardmer ou encore Clermont-Ferrand. Le téléphone à commencé à sonner, des producteurs m’appelaient et j’ai rencontré François Cognard, de Tobina Film, et Vincent Brançon, de To Be Continued, qui avaient adoré le film et qui m’ont dit : “On y va !”. Et le long, par rapport au court, a été relativement facile à faire.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Est-ce à dire que le contexte avait aussi quelque peu changé sur la question du cinéma de genre ?

Non, il y a des dizaines d’années que c’est en France comme une sorte de marronnier, il y a toujours une étincelle qui apparaît grâce à tel ou tel film mis en lumière, comme Grave de Julia Ducournau ou Revenge de Coralie Fargeat. On se dit lors : “Ça y est, le film de genre est popularisé, il se démocratise enfin et trouve un chemin vers les salles.” Mais c’est n’importe quoi, c’est toujours un feu de paille : derrière, on galère pareil…

Considériez-vous personnellement que votre projet s’y inscrivait directement ?

Pour moi, ce film est d’abord un drame qui mélange les genres. Je pense que le cinéma doit être un reflet de la vie, qui est soit triste, soit drôle, parfois pleine d’action ou parfois emmerdante… Et selon moi, un film de genre est quelque chose de très codifié, comme le survival, le film de zombies, des choses comme ça… Cela n’a donc pas du tout été mon intention au départ d’en faire, je ne me sens pas du tout comme un porte-étendard des réalisateurs de films de genre en France. J’écris des histoires et je n’ai en aucun cas l’idée préconçue de me dire, au début de l’écriture, que je vais faire un film de genre.

En quoi a concrètement consisté la transformation du scénario vers la réalisation du moyen métrage ?

Trois ans s’étaient écoulés entre l’écriture du long prévu et la réalisation du court, donc je m’y suis remis. Évidemment, toute la trame, la structure de l’histoire, est restée complètement la même et le court a été gardé, quasiment entier, à l’intérieur du long : ça allait de soi car je l’avais envisagé avec des ambitions de long métrage. Il était formellement très “propre” et il n’y avait aucune raison de tourner à nouveau la même chose. On a tout de même dû refaire certaines scènes, avec quelques soucis, car la maison avait été détruite entretemps et il a fallu la reconstituer en studio. 

J’ai rajouté le personnage de Zoé, la petite fille, qui n’existait pas dans la première version du film et qui apporte un peu de lumière, tout en ajoutant encore une couche volontiers vénéneuse à l’histoire : elle rejoint le personnage de Mélanie avec sa propre histoire tragique et s’en rapproche pour l’aider.

 

 

 

 

 

 

 


Quel est votre regard sur cette version courte, qui se tient parfaitement en elle-même ?

Pour moi, le court métrage aura constitué une étape salutaire, car toutes les portes étaient verrouillées et après le court, tout s’est ouvert… C’était génial, mais il n’a plus de raison d’être, il a été complètement absorbé par le long et ne circule plus nulle part, même s’il figure dans les bonus de l’édition DVD de Tous les dieux du ciel

Avez-vous des regrets par rapport la modestie de la sortie au cinéma du film ?

Oui, j’ai été échaudé par la façon dont Tous les dieux du ciel a été a été perçu par les distributeurs, car cela s’est révélé quand même très compliqué à ce niveau-là : c’était un objet filmique non identifié, qui ne rentrait pas dans les cases. Ce n’est pas non plus un film d’auteur abscons, ça reste du divertissement, même si c’est un univers sombre et assez difficile. Donc, même si le film avait fait beaucoup de festivals, ça m’a déçu qu’il ne sorte que sur une dizaine de copies en France, c’était clairement en dessous de ce que j’espérais. En même temps, j’ai eu plaisir de le voir à l’affiche du Grand Rex, au Publicis ou au Méliès. Dans la réalité du marché, cela validait le travail effectué et j’aurais vraiment eu les boules que ce soit un film qui se destine directement à la VOD…

Après cette aventure de longue haleine, quel sera votre prochain film ?

Mon deuxième long métrage est prévu pour 2020, j’ai terminé de l’écrire à la fin de l’année dernière et ce sera encore un drame ancré dans une forme de réalité, à nouveau assez difficile socialement, sur des amours adolescentes qui se passent très mal.

Propos recueillis par Christophe Chauville

 

 

Tous les dieux du ciel de Quarxx, Combo DVD/Blu-ray, Extralucid Films, 24,99 euros.
Disponible depuis le 18 février 2020.

 



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