Cahier critique 17/07/2019

“Voyagers” de Gauthier Ammeux, Valentine Baillon, Benjamin Chaumeny, Alexandre Dumez, Léa Finucci et Marina Roger

Un space movie décalé et burlesque ! 

Pas un mot, mais des sons et des situations : ce court métrage de 7 minutes, tendre et amusant, mêle judicieusement une idée originale à des mini-sketches tout simples, mais aussi la tradition à la modernité. 

L’air hébété et les gros yeux d’un poisson qui fait un “smack” sur son bocal pour remercier son maître, une roulade d’un cosmonaute effrayé, mais prêt au combat : il n’en faut pas plus pour arracher un sourire. L’originalité se cache dans l’association inattendue entre l’Amazonie et l’espace. Que font ce tigre et cet Indien dans un vaisseau spatial ? Peu importe, l’incongruité de la situation suffit. Elle permet de jouer avec la gravité et l’apesanteur, détournant ainsi les codes de la course-poursuite en animation auxquels nous ont habitué Bugs Bunny et les Looney Tunes. Le chasseur suit le tigre, qui suit le cosmonaute, qui finit par suivre son poisson pour le sauver ; seulement, ils ne courent pas vraiment, mais essaient tant bien que mal de mouliner dans l’air dépressurisé. L’apesanteur, loin de casser le rythme des gags, permet d’explorer de nouveaux moyens de surprendre. Un seul plan suffit pour faire rire, lorsque le tigre saute pour échapper à une flèche et atterrit dans ce qui nous apparaît ensuite comme une fusée. La musique perpétue ce rythme qui nous amène de surprise en surprise. À l’instar des cartoons classiques, Voyagers explore le registre du burlesque, ne donnant aucun répit au spectateur. 

Toute cette agitation contraste avec le calme de l’environnement dans lequel les personnages évoluent, que ce soit la forêt (au tout début), la navette et, bien évidemment, l’espace lui-même. La modélisation du décor est telle qu’elle donne l’impression d’une rondeur qui se transmet aux personnages, comme si les matières étaient créées à partir de caoutchouc, une matière qui permet tous les rebondissements, dans tous les sens du terme. L’aspect lisse et rond de l’image rappelle les animations 3D de chez Pixar, si bien que notre cosmonaute pourrait être un cousin de M. Indestructible, ou plus probablement un compagnon de cosmos de Buzz l’éclair. Cette esthétique apporte au film une modernité actualisant les motifs et les gags qu’il met en scène. 

Ce court métrage dresse aussi en filigrane un portrait de l’Homme et de l’animal. Ils se voient rapprochés l’un de l’autre par leur comportement : répondre à la peur par la violence. Devant ce qui effraie, on sort griffes et armes pour compenser sa faiblesse. Le tout est d’être le premier à dégainer. L’histoire n’en reste pas moins un conte, aux personnages touchants et drôles. Un film d’animation digne de ce nom, littéralement.

Anne-Capucine Blot

Réalisation : Gauthier Ammeux, Valentine Baillon, Benjamin Chaumeny, Alexandre Dumez, Léa Finucci et Marina Roger. Son : Valentine Baillon. Musique originale : Kevin Lafort. Production : École MoPA.