"Tourette et péroné" de Justine et Germain Pluvinage
Corinne Masiero, à l’affiche de "Souffler plus fort que la mer" de Marine Place, se livre ici à une interprétation des plus drôles et déroutantes.
L’irrésistible communicabilité du rire est une dimension régulièrement travaillée par le court métrage – on pense avant tout au très efficace Merci ! de Christine Rabette, en 2003, qui se déroulait dans un wagon de métro. Avec Tourette et péroné, la démarche est sensiblement différente, car il ne s’agit pas cette fois de cerner une contagion zygomatique entre les personnages et qui gagnerait de façon prévisible les spectateurs. De personnages, du reste, il n’y en a que deux dans ce film très court qui joue sur l’apparence documentaire pour instiller, l’espace de quelques secondes, un doute sur la frontière entre réalité et fiction. Ce qui permet d’exploiter au maximum le contraste, au sein d’un couple, d’une situation intime mise en exergue à la manière d’un reportage télévisuel.
Le film avait été conçu dans le cadre du Marathon du court métrage de Lille en 2012. Le thème imposé aux participants était “Maintenant, tu ne ris plus” et sur ce postulat, Justine et Germain Pluvinage, qui sont frère et sœur à la ville, comme on disait jadis, s’appuyèrent donc sur un plan fixe d’une grande simplicité, filmant chez eux des anonymes livrant à l’attention de tous l’enfer de leur quotidien. Un syndrome inattendu sert alors d’argument à trois minutes hilarantes catalysées par le talent des deux acteurs, Corinne et Michel Masiero, eux aussi frère et sœur. La première, forte de son parcours atypique, est désormais très cotée auprès des cinéphiles, notamment depuis sa prestation dans Louise Wimmer de Cyril Mennegun en 2011, étant apparue depuis dans de nombreux films de tous formats et à la télévision dans une série à succès, Capitaine Marleau (elle est aussi très convaincante dans le court métrage Je les aime tous de Guillaume Kozakiewiez, dans lequel elle incarne la femme de lettres et prostituée suisse Grisélidis).
Dans Tourette et péroné, son accablement de plus en plus pesant tranche avec l’alacrité clinique de son acolyte, constante au fil de l’énumération des tragédies marquant la vie du foyer. Une même virtuosité d’actrice, dans un registre qui tranche avec celui de la mère de famille battante de Souffler plus fort que la mer de Marine Place, elle aussi peu gâtée par l’adversité et qui apparaît progressivement comme une figure de tragédie grecque vouée au sacrifice ultime.
Christophe Chauville
Réalisation : Justine et Germain Pluvinage. Interprétation : Corinne et Michel Masiero.
