Cahier critique 26/06/2019

“Respect” de Benoît Forgeard

Flippy, l’ennemi du petit déjeuner !

Si L’antivirus constitue à ce jour un pic esthétique (voire une exception) dans la filmographie dilettante de Benoit Forgeard, ses deux derniers films s’avancent plus modestes, volontairement mineurs, sans doute récréatifs. Ils s’amusent d’une forme vintage convoquant, pour l’un, l’imagerie de la presse de charme des années 1970-1980, pour l’autre, les techniques rabougries des soap-opéras et des sitcoms des années 1980-1990.

À cet égard, Respect emballe par son je-m’en-foutisme formel et son postulat absurde : Flippy, mascotte des céréales du petit-déjeuner, vit avec Steph, barbu encore gamin qui a décidé de les quitter, lui et leur fils Théo, pour “partir faire une école de ninjas au Japon” (!). Coloscopia, plus propre et mieux produit, n’a pourtant rien à lui envier en matière de n’importe quoi narratif : une play-mate décide, après une opération qui lui a sauvé la vie, de faire de son anus artificiel et de sa poche l’arme paradoxale de sa conquête du monde du porno (!!). La trivialité des histoires vaguement racontées est, on le comprend vite, prétexte à jouer avec des références visuelles et pop dont Forgeard se délecte depuis ses premiers films, chacun apparaissant a posteriori comme l’occasion de visiter un univers différent et à chaque fois fortement connoté (celui du sport dans La course nue, celui de la variété française dans Belle-Île-en-mer, celui du campus movie dans L’antivirus).

Avec des zooms soulignant vulgairement l’émotion, des intérieurs dont les décors cheap puent encore la peinture fraîche, une grammaire cinématographique volontairement limitée et une esthétique de plateaux télé, ces deux films offrent à Forgeard un terrain de jeu où l’ironie goguenarde le dispute à une nostalgie un peu rance.

Dans ce système s’affranchissant du bon goût et de la logique carriériste (en cela qu’on n’y voit pas – et c’est tant mieux – le cheminement vers le long), le grossier Respect peut ainsi être pris pour ce qu’il est : un intermède punk jouissif, une face B rageuse – le langage fleuri de Flippy personnifié par la voix de Darius – au single faussement glamour que serait Coloscopia. Nous, en tout cas, on s’est bien amusé.

Stéphane Kahn

Article paru dans Bref n°99, 2011.

Réalisation : Benoit Forgeard. Image : Hervé Lode. Son : Dimitri Haulet, Xavier Thibault et Laure Arto.
Musique originale : Bettina Kee et Emiliano Turi. Interprétation : Tibo Motte, Anne Steffens et Darius.
Production : Ecce Films.