Cahier critique 22/05/2019

“Pollux” de Michaël Dichter

Un parfum de Dardenne dans les Ardennes.

Avec Pollux, Michaël Dichter signe son deuxième court métrage. Passionné de cinéma, élevé aux films de kung-fu, Dichter a d’abord travaillé comme serveur et gérant de restaurant à Bagnolet avant de réaliser son rêve : passer à la fois et alternativement devant et derrière la caméra. Acteur à la chevelure léonine, il joue aux côtés de Mathieu Kassovitz dans La vie sauvage de Cédric Kahn et aux côtés de Camille Cottin et de Juliette Binoche dans Telle mère, telle fille de Noémie Saglio. En tant qu’auteur, en 2011, il réalise À cave ouverte, son premier court métrage autoproduit. Ce film lui donne accès à une bourse d’études et lui ouvre les portes pour suivre une formation à la Fémis où il ébauche Pollux, son deuxième court métrage (donc) produit par les Films Norfolk et sélectionné en 2017 au festival Off-courts de Trouville. Tourné dans les Ardennes, pays de légendes et terroir de sinistres industriels, ce film s’inscrit dès son premier plan dans la lignée d’un certain cinéma social français. 

Néanmoins, ce court métrage n’est pas à proprement parler un film social, mais plutôt un teen movie qui emprunte la toile de fond d’une région fauchée et asséchée. Des collégiens en vacances passent leur temps à zoner à l’endroit même où leurs parents se sont usés à travailler : à l'usine et plus précisément sur le site nommé Pollux. Sur ce plan monochrome se greffent, ou plutôt se griffent, les rêveries des collégiens (légende d’un pot commun, mais surtout rêves de colonie, de partances et de meufs), des songes que la réalité se fait un vilain plaisir de rappeler à l’ordre : non, l’argent ne pousse pas sur les arbres... Voici, s’il fallait la trouver, la moralité de ce film d’apprentissage. 

Pour en faire, de l’argent, Vivian deale un peu de shit, mais il s’aperçoit que la tablette qu’il cachait dans une boîte de Nesquik, dans sa remise, a disparu. Son boss le gifle, il doit rembourser. Épaulé de ses camarades, Max et Tom, il va tenter de réunir la somme. Pour ce faire, tous les moyens sont bons. Parallèlement, Vivian comprend que celui qui l’a dépouillé de son shit n’est autre que son meilleur ami.

Sur le papier, Pollux est une chronique adolescente doublée d’un polar de banlieue avec ses petites histoires de drogue. Sur cette base stéréotypée, Dichter déjoue l’écueil des clichés relevant ainsi la gageure de filmer à bonne hauteur, voire d’opter plutôt pour l’écart comique que tragique. Ses trois acteurs principaux, des adolescents aux traits encore enfantins, ont de véritables tronches et leur interprétation bouillonnante – mais jamais brouillon – retient l’attention. Non seulement le casting est réussi, mais les jeunes acteurs (des noms à retenir : Vivian Oudin, Maximilien Decorse, Tom-Eliott Fosse-Taurel) sont très bien dirigés. En outre, Dichter relève avec brio l’autre écueil, piège de ce type de films : celui du rythme. Dans Pollux se succèdent sans accrocs les séquences d’action, de révélation, d’explication… In fine, cette dimension polar constitue un long tunnel soutenu et rythmé qui, aveugle, ne prépare en rien à la chute mélodramatique finale, surprenante tant par l’émotion carcérale qu’elle contient que pour son lot de non-dits, d’inconscient ou d’histoires à venir qu’elle charrie.

Donald James

Réalisation : Michaël Dichter. Scénario : Michaël Dichter, Marie Monge. Image : Maxime Cointe. Montage : Audrey Bauduin. Son : Hugo Deguillard, Damien Boitel et Aymeric Dupas. Musique originale : Hugo Gonzalez-Pioli. 
Production : Les Films Norfolk.