Cahier critique 07/07/2017

“Les nouvelles folies françaises” de Thomas Blanchard

Vous connaissiez l’acteur Thomas Blanchard, découvrez le réalisateur.

La première réalisation de Thomas Blanchard, comédien apprécié dans des films de tous formats, en premier lieu ceux de Sébastien Betbeder, semble d’abord reproduire un motif rebattu dans le court métrage français contemporain qui voit, en résumé, une fratrie vider et mettre en vente une maison familiale. Heureusement, on se rend vite compte que c’est pour mieux détourner le cliché : les parents de Benoît, alias Jonathan depuis qu’il est soudainement devenu un visage connu de la télé-réalité, et de son aînée Marie-Claude, ne sont pas décédés, une bribe de phrase le laisse entendre même si on n’en saura guère plus... Ils sont seulement partis, comme nombre de leurs voisins – une curieuse destinée guettant leur petite station balnéaire des Landes. Des tempêtes dévastatrices ont laissé des stigmates de désolation et un engloutissement est même probable (serait-ce l’effet de la fonte des glaces du Groenland, jusqu’où Thomas Blanchard a voyagé ?).

Ce postulat d’écriture qui évoque certains films américains, de Southland Tales à Take Shelter, pose en filigrane une atmosphère de fin du monde (parente de celle des Combattants de Thomas Cailley, tourné dans la même région), mais sans influer directement sur le comportement des personnages. Simplement, chacun se retrouve face à sa situation personnelle, ses rêves déchus, les déceptions parfois cruelles du réel. L’époque et ses fausses valeurs conduisent à s’égarer, pense-t-on, devant les difficultés de Benoît/Jonathan à exister autrement que comme minet d’une Star Academy ayant rempli de fierté les habitants du village ; la jeune Géraldine, partie à Paris avec lui et qui était sans doute alors sa petite amie (il est maintenant en couple avec un garçon), a elle aussi remisé ses projets d’actrice, ayant mis le doigt dans l’engrenage de la production pour adultes et sa corollaire activité de cam-girl en ligne.

Le film est jalonné de notes d’une pièce pour clavecin composée par François Couperin, “Les folies françaises”, qui en inspire directement le titre. Les “nouvelles folies”, à l’ère du web 2.0, sont nettement moins poétiques. Quoique... Thomas Blanchard excelle dans certains choix de mise en scène, tel ce fantasmatique champ/contrechamp de Géraldine/Kim – encore une double identité, volontiers schizophrénique – dégustant une barbe à papa, seule sur un bord de mer déserté, et contemplant avec l’amertume du regret un top model en plein shooting, ce qu’elle rêvait sans doute de faire de sa vie. C’était avant de se livrer, à dix-neuf ans, dans un casting miteux, en Marilyne de Prisu aux cheveux mauves, à la caméra d’un pornographe de bas étage. Les échos du “Lucky Star” de Superfunk, également récurrent, achèvent de faire de l’instant un climax assez poignant : de petites apocalypses ne seraient-elles pas déjà là, lovées dans les choix du quotidien ?

Christophe Chauville

À lire aussi : “Thomas Blanchard, les yeux grand ouverts” dans Bref n°121, 2017.

Réalisation : Thomas Blanchard. Scénario : Thomas Blanchard, avec la collaboration de Mariette Désert. Image : Amine Berrada. Montage : Julie Dupré. Son : Roman Dymny. Décors : Rafael Mathé. Interprétation : Matthieu Charneau, Lisa Wisznia, Joseph Olivennes, Marie Gili-Pierre et Adrien Gamba-Gontard. Production : Envie de Tempête Productions.