Cahier critique 19/12/2018

"Les enfants partent à l’aube" de Manon Coubia

Comment dire au revoir à son enfant devenu adulte ?

Les enfants partent à l'aube, un titre mystérieux pour désigner ces jeunes soldats quittant leur famille et leur région, pour une autre vie. Des jeunes qui ne sont malgré tout plus vraiment enfants, sauf aux yeux des parents qui les voient partir… Dans son second court métrage, sélectionné à la Semaine de la critique en 2017, Manon Coubia raconte l'histoire de Macha et de Mo, une mère et son fils, se retrouvant après des mois sans nouvelles. Macha n'est jamais venue rendre visite à Mo dans son école militaire, le préparant à son entrée dans le corps des Chasseurs alpins. Mais ce matin, alors qu'elle part travailler, son fils est prêt à tout, c'est-à-dire à se jeter sous sa voiture, pour qu'elle accepte de l'accompagner à la cérémonie qui le fera officiellement militaire, avant son départ pour l'Afghanistan. 

Un début rocambolesque. Néanmoins, le film raconte cet au revoir, ce lâcher prise entre mère et fils avec une simplicité qui permet de ne pas sur-dramatiser l'histoire. Il y a dans Les enfants partent à l'aube un calme particulier qui semble venir, non seulement des paysages enneigés de la Haute-Savoie, mais aussi d'une action assez linéaire et d'un rythme et d'une durée proches de ceux du quotidien, permettant de se plonger doucement dans le récit. La réalisatrice a débuté au cinéma à travers le documentaire et cela est palpable dans cette fiction, notamment dans la scène de la cérémonie militaire, d'ailleurs réelle, à laquelle les deux acteurs, Aurélia Petit et Yohann Zimmer, ont pu se mêler. 

Là, sur une sorte de place proche de la rue, probablement celle de la caserne mais aussi neutre qu'un parking, les jeunes installent des tentes pour protéger leurs parents debout sous la pluie, avant de se ranger pour recevoir leurs insignes, sous la musique des trompettes et tambours. La cérémonie est filmée tel un document, sans revenir sur les visages qui y assistent. L'émotion naît de la solennité modeste du moment, du contraste entre la fierté des jeunes et ce paysage urbain autour d'eux si routinier, presque inexistant, indifférent à l'événement. Rien ne souligne la séparation.

Les liens mère-fils – dont on comprend peut-être mal la froideur au départ – sont montrés avec la même discrétion, à travers laquelle la tendresse jaillit en quelques éclats, notamment lors d'un instant où, la tête posée sur l'épaule de son fils, les yeux fermés, Macha retrouve sa tendresse ; le fils ne s'aperçoit de rien et quand il se dégage, elle semble elle-même se réveiller brusquement d'un sentiment dont elle n'avait plus conscience. Un film apaisant qui raconte en peu de mots un moment crucial de la relation maternelle.    

Léocadie Handke

Réalisation et scénario : Manon Coubia. 



Image
 : Aurélien Py

. Montage
 : Thomas Marchand. 

Son
 : Vincent Nouaille, Aline Hubert et 

Olivier Guillaume. Interprétation
 : Aurélia Petit, Yoann Zimmer et Emmanuelle Gilles-Rousseau. Production :
 Offshore

. 

 

Entretien de Manon Coubia, réalisatrice des Enfants partent à l'aube – Semaine de la critique, Festival de Cannes 2017 :