Cahier critique 19/09/2018

"La vie sauvage" de Laure Bourdon Zarader

Une comédie d’animaux de tout poil(s) !

À l’origine, il n’y avait rien. Qu’un grand champ de blés s’étendant à perte de vue. Et roulant au milieu, une voiture rouge. C’est alors qu’on les voit, les premiers animaux de cette terre. Un homme et une femme s’en allant gaiement visiter leurs congénères dans une réserve zoologique. Il faut peu de temps avant qu’ils se perdent et donc se disputent.

Traversant le blé sans rien voir de la faune espérée, ils deviennent les bêtes qu’ils étaient venus observer. Se croyant seuls, ils débrident leurs instincts primaires, entre sexe, passion et brutalité. Mais seuls, ils ne le sont pas. Des plans fixes et paisibles de zèbres, volatiles et autres girafes interrompent leurs ébats en tout genre. Avec des astuces très simples mais efficaces comme le montage parallèle, Laure Bourdon démonte avec humour ces lieux communs que les hommes déblatèrent sur les animaux. Elle réussit même à complètement inverser les rôles. L’animal devient observateur de ces deux énergumènes dénudés et délurés, à la peau si claire et dénuée de pelage.

Alors même que l’homme se croit assez important pour intéresser le tigre qui dort, la nature sans y paraître lui répond avec la plus grande indifférence. L’homme lâche hurle des conseils, la femme reste saisie de peur, et la mise en scène les perd ironiquement parmi de larges plans, au milieu de la nature qui reste tranquille. Laure Bourdon construit peu à peu un contraste entre l’état d’excitation de ses personnages et sa façon à elle d’aborder leur situation. Prenant de la distance, sa caméra devient l’œil neutre de la nature. Comme si le film demandait qui de l’homme ou du tigre est le plus bestial, ou du moins le plus bête. Sans aucun doute, c’est bien sûr l’être humain qui est ridicule, nu devant l’œil désapprobateur de ses semblables, impuissant devant les moqueries d’une enfant. Jusqu’au bout, la réalisatrice tient à sa métaphore. Le dernier plan surprend et amuse le spectateur, parachevant avec panache la comparaison de l’homme à l’animal.

Anne-Capucine Blot

Réalisation et scénario : Laure Bourdon Zarader. Image : Amine Berrada. Montage : Marylou Vergez. Son : Romain Mascagni, Jules Valeur, Romain Poirier et Jean-Charles Bastion. Musique : Ethan Selcer. Interprétation : Charlotte Campana et Mathieu Barbet. Production : Quartett Production.