Cahier critique 14/06/2017

“La queue de la souris” de Benjamin Renner

Alors que sort Le grand méchant renard et autres contes de Benjamin Renner, adapté de sa BD, retour sur un de ses courts métrages multiprimé. Bonus : entretien avec Christophe Héral, le compositeur de la musique originale.

En 2007, Benjamin Renner réalisait son film de fin d'études à l'école de la Poudrière, qui devait déjà faire grand bruit dans le monde du cinéma d'animation. Ce très court film de quatre minutes semble d'une simplicité, voire d'un minimalisme, désarmants. Il révélait déjà le talent et la personnalité de son auteur.

Une souris (blanche), est attrapée par un lion (noir). À la façon d'une fable de La Fontaine, la souris va tenter de garder la vie grâce à quelques subterfuges, échappant tour à tour à un crapaud, un oiseau, un serpent, les offrant en pâture au lion, qui finit par perdre patience. Tentant le tout pour le tout, la petite souris finit par rugir plus fort que le lion et sauver sa peau.

Reprenant une esthétique inspirée du papier découpé et du théâtre d'ombres, à la façon d'une Lotte Reiniger, Benjamin Renner démontrait sa virtuosité d'animateur. La gestuelle souple et bondissante de la souris est déjà celle du renard de son dernier film, teintée d'un soupçon de burlesque (Le grand méchant renard et autres contes). L'atmosphère de la forêt sombre n'est pas sans rappeler un autre grand maître du cinéma d'animation, Iouri Norstein, et particulièrement son Hérisson dans le brouillard (l'humour en plus), dans lequel un petit hérisson tentait de retrouver son chemin dans une forêt où s'était levé un épais brouillard, et croisait des être étranges et parfois inamicaux.

Les thématiques et préoccupations que développe (malgré lui ?) Benjamin Renner sont également clairement énoncées dans ce premier film. Rapports de force entre le grand et le petit, retournement de situation où le faible prend l'avantage, utilisation de la figure animale, gentille irrévérence, humour teinté de mélancolie (ou l'inverse).

Les personnages de Benjamin Renner, la souris, Célestine (une autre souris), le renard... sont tous des rebelles, des incompris, qui, après avoir fait de leur mieux, laissent exploser leur colère. Si l'humour n'était pas si présent, le gag la clé de voûte, tout cela pourrait être fort dramatique.

Lorsque la souris blanche apparaît au début du film, il semble qu'elle va se briser, ses pattes ne sont pas réellement attachées à son corps, comme des bâtons d'allumettes. Le lion la capture, ne va en faire qu'une bouchée, comment pourrait-il en être autrement ? C'est grâce à la parole que la souris s'en sort, car le dialogue est lui aussi fondamental dans le travail du réalisateur, aimant faire plaider ses personnages, leur donnant de l'esprit, eux qui n'ont pas le corps qui leur permettrait d'être, a priori, respecté.

Proie, orpheline, piètre chasseur, les personnages choisis par Benjamin Renner, ou qu'on lui confie, sont, au point de départ, de simples losers. Il en fait de véritables héros, qui bouleversent l'ordre établi durablement, faisant exploser les modèles sociaux, notamment familiaux : les souris vivent avec les ours, les renards peuvent élever des poussins, et les souris blanches règnent sur les lions.

Cécile Giraud

Réalisation et scénario : Benjamin Renner. Compositing : Pierric Gibert. Texture des décors : Elena Pomares. Montage : Emmanuelle Pencalet. Musique originale et création sonore : Christophe Héral. Production : La Poudrière.