Cahier critique 25/11/2020

“L’Amérique de la femme” de Blandine Lenoir

Après la sortie d’"Aurore", avec Agnès Jaoui, découvrez ce court qui met en scène trois générations de femmes.

Le dernier court métrage réalisé par Blandine Lenoir avant son “passage au long” (on y reviendra) dégaine, parmi d’autres atouts, le nom de Pierre Foldès, rendant justice à ce chirurgien et urologue, véritable Christophe Colomb de l’intimité féminine qui, selon l’un des personnages du film, donna enfin, en 1998, toute l’attention qu’il mérite au seul organe de l’anatomie humaine spécifiquement dédié au plaisir : le clitoris. Volontiers inspirée par l’héritage des pensées féministes dans différents films, Blandine Lenoir ne se départit jamais d’une bonne dose d’humour pour explorer cette psyché féminine que l’on suppose souvent mystérieuse, mais ne fait heureusement jamais la moindre concession à la veine girly qui semble imprégner la production récente de courts métrages français. Car Blandine Lenoir est avant tout une fine plume, notamment en matière de comédie, et transcende volontiers un motif initial qui pourrait être celui d’un reportage de presse féminine pour donner chair à ses personnages et imaginer des situations aussi drôles que vives, où les dialogues fusent sans céder à la tentation du bon mot facile.

Avec L’Amérique de la femme, qui correspond à une version courte de son premier long métrage, Zouzou (qui fut distribué à la fin de 2014), elle orchestre en virtuose un petit théâtre des familles dans l’espace bien délimité d’une cuisine de maison familiale campagnarde, où quatre femmes sont réunies par un événement qui se déroule dans le même temps, en hors champ, à l’étage. À savoir ce que chacune imagine se passer dans une chambre entre une adolescente de quatorze ans et un garçon rencontré durant les vacances qu’elle a passées chez sa grand-mère. Celle-ci est présente, ainsi que ses trois filles, dont l’aînée est la mère de l’amoureuse novice. Doit-elle agir, investir la pièce où sa petite fille si vite grandie connaît sans doute sa première fois ? L’intelligence des répliques et le talent des comédiennes désarment tous les chausse-trappes possibles sur le sujet. On pourra même parler de génie concernant Laure Calamy, qui se délecte de jouer de son sourire lumineux et de ses yeux en bille, se livrant à une imitation inédite, celle d’un clitoris – si, si ! –, anthologique et qui promet de rester durablement dans les mémoires.

Christophe Chauville

Réalisation et scénario : Blandine Lenoir. Image : Kika Ungaro. Montage : Mona Lanfant. Son : Laurent Benaïm, Xavier Thibault et Laure Arto. Musique : Bertrand Belin. Interprétation : Jeanne Ferron, Florence Muller, Laure Calamy et Sarah Grappin. Production : Local Films.