Cahier critique 13/04/2018

“Jeunesse des loups garous” de Yann Delattre

Entre son travail, son petit copain, son colocataire japonais, Julie avance résolument de travers dans la vie. Sans voir Sébastien qui met pourtant toute sa timidité et sa maladresse à la séduire. Ils se trouveront peut-être lors d’une nuit – en oubliant qu’il y a toujours un matin.

Jeunesse des loups garous contourne tous les défauts inhérents à la comédie romantique : de la mièvrerie à une possible vulgarité, avec une constance miraculeuse. Plus exactement, il ne s’agit aucunement de miracle, mais bien du fruit de l’écriture inspirée de ses scénaristes, d’une série de trouvailles qui font mouche et d’une direction d’acteurs au diapason. Sélectionné en 2015 à la Semaine de la Critique, à Cannes, et Prix du Meilleur film français 2015 décerné le Syndicat de la Critique, le film s’appuie pourtant sur un schéma éprouvé : Sébastien travaille avec Julie, dont il est amoureux et qui le considère seulement comme un bon copain, sortant avec David, qui ne fait plus guère attention à elle...

L’histoire pourrait se passer à Londres, à New York ou à L.A. ; elle se déroule à Paris. Et cependant, le film échappe au parisianisme que certains brandissent parfois en possible repoussoir. Sans doute avant tout grâce à l’humour, imprévisible d’un bout à l’autre, qui caractérise situations et personnages. Sébastien et Julie sont ainsi affublés, dans le cadre de leur job, de costumes de loups, plutôt placides, ce qui donne à leur relation un évident côté “kawaii”. Une coloration asiatique qui se renforce évidemment à travers le personnage du coloc de Julie, précisément nippon (et joué par le réalisateur d’À la chasse, Akihiro Hata). Et une scène nocturne de karaoké, avec ses néons et ses filtres colorés, n’est pas sans rappeler le cinéma du Taïwanais Tsai Ming-liang ou celui du Hongkongais Wong Kar-wai... Sébastien y interprète alors, à l’attention de Julie, un morceau de rock indé US, “She’s Got a Problem” – on apprécie également sur ce point l’effort d’originalité... Mais, loin de compiler les références, Yann Delattre trouve ainsi sa propre voie pour exprimer toute sa fantaisie, osant faire vomir son héroïne au moment où son timide prétendant s’est enfin décidé à lui révéler sa flamme (et celui-ci a alors cette réplique d’anthologie : “C’était une crêpe jambon-fromage ?”) !

Le court métrage français aime les gentils losers, et nous de même, surtout dans le sillage d’un interprète aussi épatant que le méconnu Benoit Hamon (ça ne s’invente pas !). Et puis, une happy end ne fait pas de mal, de temps à autre, surtout s’il s’agit d’emballer cette chouette fille qu’est Nina Meurisse, dont on retrouve la bouille en lune depuis une douzaine d’années et les courts métrages de Frédéric Mermoud. Elle a sacrément grandi depuis L’escalier et Rachel, jouant même, en ce printemps 2018, la fille de Jean-Pierre Bacri et Agnès Jaoui dans Place publique : il y a pire adoubement...

Christophe Chauville

Réalisation et scénario: Yann Delattre. Image: Aurélien Marra. Montage: Alice Petit. Décors: Lara Hirzel. Son: Clément Badin, Gaël Eléon et Lionel Guenoun. Musique: Florian Eléon. Interprétation: Nina Meurisse, Benoit Hamon, Mathieu Barbet et Akihiro Hata. Production: Stromboli Films.