Cahier critique 03/04/2019

“Hanne et la fête nationale” de Guillaume Brac

Prix du jury du Festival de Brive 2018. 

On le sait, Hanne et la fête nationale, ici présenté seul, est sorti en salles à l’été 2018, accompagné d’un autre moyen métrage de Guillaume Brac (L’amie du dimanche), tous deux écrits avec des élèves de deuxième année du Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique. Les deux films, complémentaires et découlant d’un même atelier, rassemblés sous le titre éminemment rohmérien des Contes de juillet, constituaient au cinéma un beau diptyque. Mais c’est aussi chacun de leur côté qu’ils fréquentèrent les festivals et récoltèrent différents prix une année durant.

C’est en se nourrissant de discussions préalables puis d’improvisations avec les comédiens, nous expliquait Guillaume Brac dans le numéro 123 de Bref, que les personnages s’échafaudèrent. À ce moment-là, à l’été 2016, entre deux documentaires (Le repos des braves puis L’île au trésor), le réel semblait bel et bien au cœur des préoccupations du cinéaste. Mais s’il permit, disions-nous, de nourrir son écriture, il s’invita aussi, cru et inattendu, juste avant le tournage d’une séquence finale en portant désormais les stigmates.

Cet événement, qui s’impose violemment aux acteurs et encore plus au spectateur, c’est l’attentat du 14 juillet 2016 à Nice, que l’équipe apprend l’avant-veille de la fin du tournage et qui, au montage, vint quelques semaines plus tard s’imposer dans le récit, lui donnant in fine une coloration inattendue, faisant resurgir l’indicible du drame collectif au cœur des minuscules tragi-comédies sentimentales dont Brac a toujours su détailler au mieux les mécanismes.

C’est ainsi en naviguant entre drôlerie et gravité, et presque de façon fortuite, qu’Hanne et la fête nationale surprit le plus quand on le découvrit, quitte, dans son dernier mouvement, à laisser sur le bord du chemin certains spectateurs regrettant l’intrusion d’un tel événement dans le récit.

Pourtant, si la touche rohmérienne, délicate et empathique, était évidente et clairement référencée dans L’amie du dimanche, ce deuxième segment se voulait et s’affirmait d’emblée plus retors, à l’image d’une toute première séquence dont la crudité sexuelle put désarçonner ceux qui n’avaient pas vu la noirceur et l’inquiétude s’insinuer chez l’auteur dès Tonnerre, son premier long métrage. La frustration irrigue ainsi le film ; la drague plaisante et légère ne tarde pas à se muer en harcèlement et les coups un peu piteux finissent par pleuvoir ; les sentiments sont tus, enfouis, refoulés ou refusés. Et quand l’accalmie semble enfin s’installer autour d’un chaleureux repas, d’un beau personnage de pompier et d’une gracieuse scène de danse, un sentiment de jalousie diffus et l’alcool ne tardent pas à venir gâcher la fête.

Comédie sentimentale au bord du chaos, Hanne et la fête nationale se pose bel et bien en revers désenchanté du film qui l’accompagna en salles. Et pour panser nos plaies laissées à vif, pour retrouver peut-être cette insouciance qui nous manque tant, nous ne pourrons que programmer ce dernier (L’amie du dimanche) très prochainement ici-même…

Stéphane Kahn

Réalisation et scénario : Guillaume Brac. Image : Alan Guichaoua. Montage : Louise Jaillette. Son : Emmanuel Bonnat. Interprétation : Hanne Mathisen Haga, Andrea Romano, Sipan Mouradian, Salomé Diénis Meulien et Roman Jean-Elie. Production : Bathysphère productions.