Cahier critique 17/07/2019

“Good Luck Mr. Gosky” de François Rabes et Félicie Dutertre

Le plus grand secret de l’histoire de la conquête spatiale ?

De toute évidence, la conquête spatiale et les premiers pas de l’Homme sur la Lune ont alimenté bien des fantasmes, bien avant l’avènement des réseaux sociaux et le déchaînement des délires complotistes de tous types. Le cinéma, logiquement, s’en est fait l’écho, depuis le savoureux “documenteur” de William Karel Opération Lune (2004) jusqu’à la fiction Moonwalkers d’Antoine Bardou-Jacquet (2016).

Une phrase énigmatique “Good Luck, Mr. Gorsky (sic)” a même été colportée, surtout à partir du début de l’ère d’internet, comme ayant été prononcée par Neil Armstrong, le 21 juillet 1969, au moment où il remontait dans le module Eagle. Sa tonalité insolite et les sonorités russophones du nom du protagoniste prétendument désigné étaient propices à toutes les extrapolations ; il faut donc avant tout désarmer la légende urbaine et ramener l’épisode à ce qu’il est : une simple et bonne blague sortie de l’inspiration d’un comique américain en 1990. Et donc, pourquoi pas, l’argument possible à un court métrage. L’époque s’y prêtait encore, alors que le film-gag ou à chute avait toujours le vent en poupe autour de l’an 2000.

Le duo François Rabes et Félicie Dutertre se confronta donc à l’exercice en reprenant presque stricto sensu la trame de l’histoire drôle née du pseudo mystère, en une mise en scène à l’esthétique clairement inspirée des films hollywoodiens d’époque (jusque dans la musique, qui ne lésine pas sur les effets de cuivres), en replongeant dans l’enfance de l’astronaute, soit l’avant-guerre puisqu’Armstrong était né en 1930, et quitte à assumer pleinement le registre du “chromo”. La scène d’intérieur chez les Grosky – le nom de famille du personnage, sans qu’on en connaisse la raison, a été modifié – n’est pas sans évoquer plastiquement l’un de ces “films de nostalgie” façon Radio Days de Woody Allen. Un autre pas de côté a été accompli en atténuant l’humour graveleux du verbe (on ne parle plus de gâterie ou de sa gamme de synonymes), sans que la drôlerie de l’argument en souffre néanmoins. Et le rire fuse, assez spontanément, comme au bout de ces longs repas de famille où un oncle repu entreprend de faire marrer à bon compte l’assistance.

Un Prix du public au Festival du court métrage d’humour de Meudon avait en son temps salué ce film sorti par la suite en salles au sein d’un programme complet de courts intitulé Zéro deux (en 2007), mais son tandem de réalisateurs semble s’être arrêté là, comme si la courte plaisanterie avait été suffisante. On en connaît d’autres qui n’ont pas eu une aussi sage modestie…

Christophe Chauville

Scénario et réalisation : François Rabes et Félicie Dutertre. Image : Christophe Paturange. Montage : Brian Schmitt.
Son : Xavier Pirouelle. Musique originale : Marie-Jeanne Séréro. Interprétation : Samuel Jessula, Robert Getter,
Paula Jo Chitty, André Chazel et Clément Sibony. Production : Les Productions du trésor.