Cahier critique 22/02/2017

"Ce chemin devant moi" de Hamé

Dans ce court sélectionné en compétition à Cannes 2012, Reda Kateb excelle devant la caméra d’Hamé, rappeur de La Rumeur. Le duo se reforme pour "Les derniers des Parisiens", sorti en salles.

Au moment même où Les derniers Parisiens investit les salles, il est tentant de réexaminer Ce chemin devant moi à l’aune de ce prolongement indirect, mais jetant quelques ponts thématiques ou narratifs. D’abord, il y a Reda Kateb, dont le magnétisme intact domine les deux films : frère aîné dans Ce chemin devant moi, cadet dans Les derniers Parisiens, il endosse à chaque fois la figure d’un repris de justice, fraîchement libéré et en période de probation, donc dans l’interdiction absolue d’effectuer le moindre faux pas.

À Pigalle, il marche sur des œufs, entretenant des ambitions de développer l’affaire de son frère Arezki (Slimane Dazi), un bar discret du boulevard de Clichy, vers des soirées événementielles marquées de strass, d’une clientèle “bling-bling” et de coke à gogo… Auparavant, à Aubervilliers, un “premier Nasser” devait se tenir tranquille en pleines émeutes embrasant la cité, cette explosion extérieure correspondant à celle de son cadre familial, sa relation avec sa mère étant violemment conflictuelle depuis la mort de son père et un séjour en prison, infâmant pour celle qui a déplacé toute son affection sur son plus jeune fils, Mehdi. Nas entendait lui aussi veiller sur ce petit dernier, quitte à le surprotéger. C’était le point nodal du film d’Hamé, alors en réalisation en solo (tandis que son complice Ékoué l’a rejoint sur le format long) : Nas n’avait pas toute la crédibilité nécessaire pour servir de figure paternelle de remplacement, mais s’y jetait sans filet. Le problème est qu’il avait surtout besoin qu’on l’aide lui-même, ce que médiatisait l’irruption d’un personnage de dépanneur le prenant sous sa coupe le temps d’un contrôle de police – Slimane Dazi, déjà, prêtait ses traits à cet ange-gardien.

La ligne de perspective du film n’est autre qu’un avenir délicat à entrevoir avec certitude, le chemin devant soi se trouvant alourdi par un pesant passé délinquant. La tranchante linéarité d’un tel itinéraire suffisait à traduire l’urgence d’un destin individuel sacrifié, semblable à tant d’autres, qu’une sur-dramatisation, à savoir, et tant pis pour le spoiler, une chute sans doute mortelle de la mère handicapée dans l’escalier, était fort dispensable. Les derniers Parisiens s’affranchit d’une telle surenchère, la leçon aura donc porté...

Christophe Chauville

Réalisation et scénario : Hamé. Image : Léo Hinstin. Montage : Linda Attab et Stéphane Elmadjian. Son : Nelly Gourves, Doom Bada et Stéphane de Rocquigny. Musique : Soul G (La Rumeur). Décors : Samuel Teisseire. Interprétation : Reda Kateb, Rayhana Obermeyer, Youssef Mzzi et Slimane Dazi. Production : La Rumeur Prod.