Cahier critique 19/05/2017

"Blinkity Blank" de Norman Mc Laren

Palme d’or du court métrage au Festival de Cannes 1955.

Norman McLaren, reconnu mondialement comme cinéaste d’animation majeur, peut-être juste après les Américains Walt Disney et Tex Avery, se voit cependant privé de la juste reconnaissance de la modernité de son travail, car on oublie que les “sujets” de McLaren sont les processus créatifs eux-mêmes, plus que les anecdotes illustrées, contrairement à la pratique de ses collègues nord-américains.

Peintre amateur dans son Écosse natale, le jeune Norman cherche une autre forme d’expression via le cinéma qu’il connaît par ses fréquentations des ciné-clubs locaux qui lui ont permis de découvrir le cinéma soviétique. Son opera prima, Hand-painted abstraction (1933), est le premier film peint à la main directement sur pellicule transparente. Après quelques films documentaires dont le pacifiste Hell Unlimited (1936, avec prises de vues réelles et animation multiples), il se mettra à pratiquer toutes les formes d’animation tant en Grande-Bretagne qu’aux États-Unis ou au Canada, sa patrie d’adoption depuis 1941.

Malgré l’utilisation (souvent la découverte) de techniques avant-gardistes (peinture directe sur pellicule cadrée et non cadrée, c’est-à-dire sur toute la longueur du ruban-film ; gravure directe des sons sur la pellicule ; utilisation d’objets, d’humains, de graphes dans un même court métrage), McLaren s’est toujours soucié du confort visuel du spectateur qu’il ne voulait jamais brusquer ou agresser directement.

Dès Voisins en 1952, chaque film de McLaren est une expérience unique. Blinkity Blank, œuvre-culte, anticipe sur les travaux de Peter Kubelka et Paul Sharits. C’est une œuvre visionnaire et programmatique de toute la modernité de la fin du XXe siècle : gravure de motifs sur pellicule noire, intermittence aléatoire de la succession mais aussi de la conjugaison des images (abstraites et figuratives) et des sons, mélange de musique instrumentale et de sonorités synthétiques. Pensant toujours à son public, l’artiste commente : “Je voulais d’abord faire un film abstrait, mais rendu aux deux tiers du film, j’ai constaté que je n’arrivais pas à soutenir l’intérêt du spectateur. Ainsi, je suis revenu aux oiseaux et autres éléments figuratifs.”

Raphaël Bassan

Article paru dans Bref n°121, 2017.

Réalisation et animation : Norman McLaren. Musique : Maurice Blackburn. Son : Roger Beaudry et Joseph Champagne. Production : Office national du film du Canada (ONF).

© Photo : ONF