En salles 08/04/2024

Deux courts devenus (premiers) longs

Parmi la vingtaine de sorties de cette semaine très chargée, Sans cœur de Nara Normande et Tião et Quitter la nuit de Delphine Girard ont un double point commun : il s’agit de premiers longs métrages et ils sont directement liés à un film court préalable de leurs réalisatrices respectives.

Avant Sans cœur, la société de production parisienne Les Valseurs avait travaillé avec Nara Normande sur Guaxuma, actuellement en ligne sur Brefcinema. Et encore plus en amont, la réalisatrice brésilienne avait débuté avec un court du même titre et des postulats narratifs similaires. Le film, déjà co-signé avec Tião, avait alors – en 2014 – été présenté à la Quinzaine des réalisateurs.

Dans le court, un jeune garçon rencontrait, durant ses vacances dans le village de pêcheurs de son cousin, une fille. Dans le long, c’est une fille, Tamara, qui tombe sur l’adolescente surnommée “Sans cœur”, à cause de cette cicatrice barrant sa poitrine. Un trouble naît à son égard, dans une atmosphère incluant, en le ré-envisageant de façon assez personnelle, le fameux surnaturel latino-américain. Le cadre du récit, commun, prend évidemment à chaque fois une importance cruciale, à savoir ce coin du Nordeste brésilien, très loin de Rio de Janeiro ou de São Paulo.

Et Sans cœur s’affirme comme une belle chronique de coming of age, sensible et mystérieuse, où la nature enveloppe les désirs naissants. Les jeunes Maya de Vicq et Eduarda Samara incarnent avec flamme les deux jeunes filles ainsi – assez superbement – filmées.

 

Retour en Europe avec Quitter la nuit, de Delphine Girard, qui reprend intégralement, en guise d’ouverture, le court métrage Une sœur, également en ligne sur notre plateforme depuis quelques jours. Un suspense étouffant, dans l’habitacle d’une voiture, roulant de nuit sur une route de campagne, avec un conducteur taiseux et qu’on devine menaçant, aux côtés d’une jeune femme traumatisée et faisant croire qu’elle appelle sa sœur alors qu’elle a composé le numéro des urgences de la police.

La singularité du long métrage est de développer la suite, de suivre l’enquête ouverte après l’arrestation de l’homme, qui se serait rendu coupable de viol sur la femme, d’accompagner celle-ci, mais aussi la policière qui lui a répondu et qui, marquée par l’épisode, cherche à la retrouver et en savoir plus. La vertu de l’approche est aussi de s’intéresser à l’accusé, que le court assimile à une masculinité toxique sans appel, mais que le scénario nuance ici, cherchant non des justifications, mais des explications à son comportement.

Ce personnage de Dari existe ainsi davantage, sans que le projet de la réalisatrice, à savoir la peinture de la naissance d’une nécessaire et salutaire sororité, soit amoindri dans l’écho qu’il trouve. Cette seconde version permet en outre aux méconnus Selma Alaoui et Guillaume Duhesme de manifester toute l’intensité de leur jeu, celle de l’impeccable Veerle Baetens étant constante d’un film à l’autre.

Christophe Chauville

À voir aussi :

- Un autre court métrage brésilien produit par Les Valseurs à voir sur Brefcinema : Sidéral de Carlos Segundo.

À lire aussi :

- Un autre premier long métrage récemment sorti en salles : Il pleut dans la maison, de Paloma Sermon-Daï.