Cahier critique 22/09/2017

“Guillaume à la dérive” de Sylvain Dieuaide

Une comédie froide et inquiétante : que feriez-vous si l’on voulait vous remplacer par meilleur que vous ? 

Qu’est-ce que la vie devenue cauchemar ? Dans Guillaume à la dérive de Sylvain Dieuaide, le personnage principal en fait l’expérience brutale quand une sorte de mauvais ange, Tom, vient faire intrusion dans son quotidien pour le remplacer dans son travail et sa famille. 

Avec cette histoire fantastique, on a peut-être un sentiment de déjà-vu, et quelques détails sont proches du cliché – la première apparition de Guillaume dans le bureau de son patron, sa lenteur d’esprit qui le fait passer pour un nigaud, comme l’ambiance familiale franchouillarde lors de son dîner d’anniversaire et les femmes hypnotisées par la perfection robotique de l'intrus qui s’y est invité. Mais c’est en même temps à travers ces situations poussives que le récit peut ainsi basculer de l’absurde au fantastique et rendre plus évident le contraste entre une banalité tranquille et une horreur cauchemardesque – celle-ci restant tout de même modérée, peut-être trop.

L’humour amer de la scène du licenciement de Guillaume serait à rapprocher d’un thème sous-jacent au film et de son dénouement, où une certaine mélancolie transparaît. Après avoir été rejeté par sa famille pour être remplacé par Tom, l’enfant que Guillaume était lui apparaît, tranquillement occupé à jouer au premier étage de la maison où se passe son anniversaire, et c’est cet enfant qui devient le bon ange. Grâce à lui, le Guillaume adulte peut disparaître de cette vie et de cet endroit de malheur qu’est devenu la maison familiale pour se retrouver par magie dans un lieu surprenant, qui rompt de manière bienvenue avec les décors précédents et devient symbole de son échappatoire. L’ironie demeure présente, mais cette fois de manière tendre et non plus menaçante, et Guillaume sort de son personnage-cliché de grand dadais pour devenir attachant. 

L'intrigue fantastique donne ainsi lieu à une réflexion plus profonde sur la singularité de l’individu dans un monde d’efficacité extrême et de fausse perfection où la lenteur et la maladresse, qui ne sont alors peut-être que mal-être, sont parfois moquées. 

Léocadie Handke

Réalisation : Sylvain Dieuaide. Scénario : Marc Arnaud et Sylvain Dieuaide. Image : Noémie Gillot. Montage : Benjamin Le Souef. Son : Pierre Bariaud et Jean-Charles Bastion. Musique : Paul-Marie Barbier. Interprétation : Bastien Bouillon, Marc Arnaud, Anne Alvaro, André Marcon, Jean-François Sivadier, Judith Chemla et Timothé Vom Dorp. Production : Yukunkun Productions.