Cahier critique 24/01/2023

“À cœur perdu” de Sarah Saidan

Omid est un immigré iranien, venu s’installer en France avec sa famille. Un soir, dans la rue, il se fait agresser et poignarder en plein cœur. Mais Omid se relève ! À l’hôpital, le diagnostic des médecins est formel : il n’a pas de cœur. Celui-ci serait-il resté en Iran ?

En 2014, Sarah Saidan avait déjà été remarquée avec son court métrage d’animation Beach Flags, qui dénonçait la situation absurde à laquelle sont confrontées les nageuses en Iran, privées de compétitions de niveau international parce qu’il leur est interdit de se montrer en maillot de bain. Le film mettait en relief l’émancipation d’une jeune sportive jusqu’alors renvoyée à sa condition de femme. Quelques années plus tard, la réalisatrice iranienne signe un très beau retour avec ce film bien personnel, À cœur perdu, qui mélange à nouveau le français et le farsi. 

En évoquant avec poésie et humour les difficultés propres à l’exil, elle déroule le récit d’une famille immigrée, déracinée et en mal d’intégration. Depuis son poste à la caisse d’un supermarché, Omid, le père de famille, se confronte au racisme ordinaire, à la méfiance, à l’impatience des Parisiens, auxquels il répond par son sourire, sa bonne humeur et ses fautes de français. Un soir, il reçoit un coup de couteau en plein cœur, mais se relève ! Ce prétexte fantastique permet alors une quête métaphysique, la recherche de son cœur, qui balance entre la nostalgie de la terre natale et l’apprentissage d’une terre d’adoption. 

Sur place, en Iran, différentes émotions l'assaillent : l’inconfort de celui qui revient chez lui mêlé à la joie de retrouver les saveurs et les couleurs de son pays d’origine, se juxtapose à l’appréhension des retrouvailles avec ses proches. Entre les étals d’épices et les bruits d’antan, les réminiscences de son passé cristallisent en lui de nombreux souvenirs, mais le confrontent aussi aux changements d’un pays qu’il n’a pas vu évoluer. Quant à son cœur, Omid le voit partout mais ne le trouve nulle part.

Au cours de cette pérégrination identitaire on constate que la violence et les préjugés n’ont pas de frontières. Guidée par un coup de crayon épuré et contrasté, la réalisatrice donne l’impulsion nécessaire pour que le protagoniste devienne acteur de sa propre histoire. Sarah Saidan nous ramène alors à l’essentiel et nous confronte à l’universelle quête de soi, au sens à donner à l’existence, comme le souligne si bien la petite fille d’Omid : “Tout part du cœur et y revient”.

Léa Drevon

France, 2022, 15 minutes.
Réalisation : Sarah Saidan. Scénario : Sarah Saidan et Simon Serna. Animation : Francesca Marinelli, Adèle Hamain, Xavier Siria et Milena Mardos. Montage : Manon Dubois. Son : Xavier Thibault, Gilles Marsalet et Laura Chelfi. Musique originale : Pierre Oberkampf. Voix : Saeed Mirzaei, Taha Moghani, Shahriar Sadr, Alice Lendrevie, Cécile Arnaud et Pierre-Alexis Touzeau. Production : Caïmans Productions.